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Frontière : l’école à deux vitesses après le coronavirus


De nombreux frontaliers ne peuvent pas remettre leur enfant à l'école du côté français. En cause : un manque de moyens généralisé dans le budget des communes, qui ne peuvent assumer une reprise avec le personnel et les moyens nécessaires (Photo d'illustration : AFP).

Des élus de la frontière française avec le Grand-Duché interpellent sur la difficulté de rouvrir leurs écoles, faute de moyens financiers pour assurer une bonne mise en place des normes de sécurité, alors que la vie scolaire reprend ce lundi dans des conditions optimales dans les écoles luxembourgeoises. Même sur des aspects aussi essentiels que l’éducation en tant de crise, le dynamisme n’est pas partagé.

Voici un exemple concret du développement à deux vitesses entre le Luxembourg et ses voisins : de nombreuses communes de la frontière française  ne peuvent pas rouvrir leur école, notamment du fait d’un manque de moyens pour assurer la mise en place des normes sanitaires, ainsi que les périscolaires. Ce sont pourtant ces communes qui accueillent entre 50% à 90% d’actifs frontaliers, donc des parents qui laissent leurs impôts sur le travail (impôt sur le revenu, taxes communales luxembourgeoises sur les entreprises dans lesquelles ils travaillent etc.) au Grand-duché, tout en étant à la charge des collectivités locales françaises pour leur vie quotidienne et celle de leurs enfants. Cette distorsion (les communes françaises ne pouvant pas jouer sur le levier de l’impôt professionnel avec des entreprises… de l’autre côté de la frontière) amène à accueillir une population toujours plus nombreuse, avec des moyens toujours plus limités. Et des effets de paliers très concrets, comme ceux dénoncés par les élus Front de Gauche dans une lettre commune, à propos de la reprise de la vie scolaire, normalement possible depuis le 11 mai en France, mais compromise avec les moyens du bord (les écoles sont globalement à la charge des communes en France).

« Cette situation paradoxale »…

« La récente crise sanitaire a mis en exergue cette situation paradoxale, écrivent ces élus rattachés au Département de la Meurthe-et-Moselle : l’immense majorité des travailleurs frontaliers, essentiels à l’activité économique du Luxembourg, résident en France, dans des communes financièrement exsangues qui ne peuvent, faute des ressources nécessaires, répondre à des demandes de services parfaitement légitimes. Parmi ces demandes, il y a la prise en charge des enfants des travailleurs appelés à retourner dans les entreprises du Grand Duché. Le Ministre de l’Education nationale français a récemment rappelé que plus de 85 % des écoles rouvriront en France d’ici fin mai. Il n’en sera vraisemblablement pas de même dans le nord lorrain ». En clair : la bande frontalière se retrouve adossée à l’une des économies la plus prospère du monde, le Grand-Duché, avec des moyens plus faibles qu’un territoire de même dimension qui serait au milieu de la France…

« Le Luxembourg devrait contribuer, par son dynamisme et son développement, à une situation dans le nord lorrain au moins équivalente à celle du reste du territoire français », écrivent les élus Front de gauche, qui poussent encore une fois dans la logique d’une forme de compensations financières du Grand-Duché envers les budgets communaux français, relevant que « la convention franco-luxembourgeoise reste l’une des seules au sein de l’U.E. ne prévoyant aucun de système de compensation / reversement financier » dans le cadre de flux transfrontaliers significatifs.

Pour rappel, les capacités d’investissements des communes frontalières françaises sont en moyenne trois à quatre fois moindres que les communes luxembourgeoises de même taille. 46% des actifs au Luxembourg vivent dans des communes frontalières, majoritairement en France mais aussi en Belgique et en Allemagne. Par ailleurs, une étude menée par la région Grand-Est montre qu’une majorité des communes de la bande frontalière ont des capacités d’investissement moindres que les communes de même strate de la région, alors que l’afflux d’habitants y est bien plus dynamique qu’ailleurs.

Hubert Gamelon

La lettre est à retrouver ici.

Lire aussi : notre reportage sur la sécurisation des écoles à Luxembourg

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