A partir du 5 septembre, le dispositif de financement par l’État luxembourgeois des factures de crèches s’ouvre aux travailleurs frontaliers, pour les structures françaises.
L’annonce, alléchante, pourrait concerner tous les parents frontaliers. En théorie. A partir du 5 septembre, le Luxembourg ouvre à ses travailleurs frontaliers ses chèques-service accueil (CSA), soit le financement de la quasi-totalité de la note de crèche en fonction des revenus des parents et du nombre d’heures de garde.
Altruisme ? Que nenni ! Le Grand-Duché a été retoqué par l’Union européenne et sommé de mettre fin à la discrimination entre ses salariés frontaliers et ses salariés résidents, qui bénéficient de ce dispositif de longue date. « Pour nous, ce serait vraiment très intéressant. Quand nous habitions au Luxembourg, nous ne financions que les repas. Nous sommes passés de 900 à 40 euros par mois ! C’est l’État luxembourgeois qui paie directement les crèches, par un système de double facturation. Un gouffre financier pour eux », explique Claire, une maman frontalière, réinstallée en France depuis quelques années. Et qui est l’une des premières à pointer ce dispositif, un peu passé en catimini. Et pour cause : comment cette mesure pourrait-elle s’appliquer concrètement en France, mais aussi en Allemagne et en Belgique ?
La Maison du Luxembourg, à Thionville, attend de connaître les conditions d’application du dispositif, « pas encore validé » par le Luxembourg et pourtant censé entrer en vigueur dans quelques jours, alors que l’annonce remonte à dix-huit mois. Car, dans les faits, les modalités techniques demeurent un tantinet floues et très orientées : le Luxembourg n’est pas particulièrement enclin à financer les structures de garde étrangères… Contactés, les différents ministères du Grand-Duché se renvoient la balle. Pas de réponse précise non plus auprès de Myriam Schanck, directrice de la Caisse pour l’avenir des enfants (CAE).
Prestataires luxembourgeois en France ?
Il semble que les structures frontalières, publiques ou privées, qui souhaitent être accessibles doivent demander un agrément au ministère de l’Éducation luxembourgeois. Pour cela, il faut remplir certains critères… plutôt vagues. Première exigence : les langues. « Un contexte de multilinguisme vécu au quotidien », et notamment l’apprentissage du luxembourgeois. Mais potentiellement d’autres langues également. Autre critère : une « mise en réseau des structures avec l’école fondamentale luxembourgeoise et les organismes nationaux d’aide et d’assistance ». Mais aussi un « ratio d’encadrement » (le nombre d’enfants par encadrant) qui sera « réduit », sans être clairement établi. Troisième élément manquant de clarté : les structures se « voient dotées d’une mission de service public » luxembourgeois.
Dans les faits, quelles crèches françaises rempliront ces critères ? Comment pourront-elles avoir les moyens de s’y conformer tout en restant financièrement accessibles aux enfants de parents non frontaliers ? De là à voir dans cette affaire un effet d’annonce en direction des parents frontaliers… « Je ne suis pas d’accord, nous avons déjà été abordés par des professionnels luxembourgeois qui aimeraient ouvrir des crèches au-delà des frontières », laisse échapper la directrice de la Caisse pour l’avenir des enfants. La boucle est bouclée.
Si on comprend aisément que le Grand-Duché n’a pas vocation à financer des structures publiques ou privées étrangères, il pourrait avoir trouvé le moyen de compenser l’ouverture forcée d’un marché coûteux sans en perdre une miette. Mais avec une nouvelle zone d’ombre : les conséquences potentielles pour les structures françaises auprès desquelles les frontaliers auront moins intérêt à inscrire les enfants.
Lisa Lagrange (Le Républicain Lorrain)