Avec l’instauration d’une réforme fiscale au Grand-Duché, les nombreux frontaliers se posent des questions. Et cherchent des réponses auprès de plusieurs organismes. La Maison des frontaliers de Jœuf a organisé une conférence particulièrement suivie avec une fiscaliste.
Marie-Jeanne Bastian est fiscaliste au Luxembourg. Jeudi soir, elle était invitée en mairie de Briey, par la Maison des frontaliers basée à Jœuf et rayonnant sur l’ensemble du bassin de vie. Objectif : éclaircir de nombreux points concernant la réforme fiscale de 2017 au Grand-Duché. Et tordre le cou à un certain nombre d’idées reçues. Face à plus de 150 personnes, elle a présenté de manière synthétique plusieurs aspects de cette réforme. Tout en répondant aux questions de la salle. Au Grand-Duché, les frontaliers sont prélevés à la source. Mais ils peuvent, et dorénavant dans certains cas devront, rédiger une déclaration.
Passons en revue certaines informations qui circulent, pas toujours fiables.
— Un des gagnants de cette réforme : le couple marié, dont les deux membres travaillent au Luxembourg. VRAI
Il s’agit pour l’administration fiscale luxembourgeoise d’aplanir des inégalités de taille. Exemple : jusqu’à présent avec un couple marié. Le marié, frontalier, gagne 60 000 € ; l’épouse, 40 000 € en France. Lui est prélevé à la source à hauteur de 6 000 € environ. Elle, en France, s’acquitte de 7 500 € car l’administration française tient compte du revenu de son mari au Luxembourg. Soit 13 500 € d’impôt pour le couple. À titre de comparaison, un couple, marié, qui totalise 100 000 € de revenus, issus pour les deux du Luxembourg, s’acquitte de 21 000 €. « La différence est de taille, non ? »
— D’une manière générale, le Luxembourg a voulu rendre l’impôt sur le revenu plus équitable. VRAI
Et Marie-Jeanne Bastian d’étayer son propos : « Le pays a voulu redonner du pouvoir d’achat. Exemple avec un célibataire qui, lui, sera moins lourdement taxé. L’administration fiscale accroît les différents volets déductibles. » Un peu à l’image de ce qui se fait en France. Jugez plutôt : « Il s’agit d’inciter les jeunes à l’accession à la propriété ». Une mesure nécessaire quand on connaît le niveau astronomique du prix de l’immobilier. « Il s’agit aussi de prévoir l’avenir avec les produits d’épargne retraite, logements… »
— Les couples pacsés ne peuvent plus introduire une déclaration commune. FAUX
— Les couples mariés dont un seul travaille au Luxembourg ne sont plus répertoriés comme mariés si le revenu du frontalier ne correspond pas à 90 % du revenu du conjoint employé en France. FAUX
— Les couples mariés dont un seul travaille au Luxembourg ne sont plus répertoriés comme mariés si moins de 90 % des revenus du frontalier ne sont pas issus du Luxembourg. VRAI
« Quand on regarde les textes de loi, on parle du contribuable, de lui seul », précise Marie-Jeanne Bastian.
— Pour obtenir la classe 2 (mariage ou pacs), il faut satisfaire aussi un critère : le contribuable marié qui travaille seul au Luxembourg devra percevoir un revenu de plus de 50 % des revenus professionnels du foyer. VRAI
Exemple : au Grand-Duché, le traitement de Monsieur est de 50 000 € ; elle, en France, 30 000 €. À eux deux, ils totalisent 80 000 €. Donc, le frontalier, avec ses 50 000 €, dépasse les 40 000 €, soit la moitié du total de leurs revenus.
Pour un couple marié, le frontalier verra ses propres impôts enfler. Exemple : 60 000 € de revenus. Avant la réforme, il s’acquittait d’environ 6 000 € d’impôt. Après la réforme, 11 000 €. Cependant, par le biais d’une déclaration d’impôts, il pourra déduire un certain nombre de choses. À titre d’exemple : la cotisation d’une mutuelle santé, certaines assurances, les intérêts d’emprunt immobilier, le coût d’une garde d’enfant le tout limité par un plafond. Résultat : le revenu net servant à déterminer l’impôt dit mondial, que paiera son épouse au fisc français, sera plus faible.
Et la question des avantages en nature ?
— Les véhicules écologiques permettront de réduire sa base imposable. VRAI
Effectivement, vous pouvez déduire de votre base imposable au Luxembourg : 300 € pour l’achat d’un vélo. Toujours cela de pris. Et 5 000 € pour l’achat d’un véhicule électrique ou à hydrogène.
Autre élément qui concerne bon nombre de frontaliers : vous avez un véhicule de leasing par l’intermédiaire de votre société. C’est considéré comme un avantage en nature. Jusqu’à présent, le prix à payer de l’avantage mensuel est fixé à 1,5 % du prix global TTC d’acquisition du véhicule à l’état neuf. Désormais, ce taux variera de 0,5 à 1,8 %. En fonction de la pollution du véhicule. Donc, les frontaliers auront intérêt à ne plus forcément rouler dans de puissantes berlines…
Dans la même veine, évoquons les frais professionnels. On peut déduire jusqu’à 540 € de sa base imposable. Sans justificatif. Aussi, un ouvrier pourra déduire 1 000 € correspondant à une dépense réelle pour des bleus de travail. Par contre, un commercial ne pourra faire de même avec ses costumes. L’administration juge qu’ils peuvent être portés en dehors du travail. Pas faux !
Olivier Chaty (Le Républicain Lorrain)