«On était tous choqués, interloqués», se souvient Bernard Starck, mineur à Forbach (Moselle) en 1985, lorsqu’un coup de grisou a emporté 22 de ses camarades.
Le 25 février 1985, à 7 h 21, la terrible explosion du puits Simon, à 1 050 mètres de profondeur, fait 22 morts, la plupart tués sur le coup, et 103 blessés.
«Le sauvetage a duré des jours», se souvient Bernard Starck, qui travaillait alors comme électro-mécanicien au puits Simon depuis neuf ans. Il était âgé de 31 ans à l’époque.
Le matin même, «il y avait toutes les familles et les badauds qui s’accumulaient aux abords du puits», raconte-t-il. «Il y avait des équipes de sauvetage qui se relayaient, et des équipes d’astreinte logistique pour remettre en place des engins, des appareils qui ont été détruits par l’explosion», explique-t-il.
Les sauveteurs sont intervenus «dans un cul-de-sac plein de fumée, en absence totale d’oxygène. Ils avaient des appareils respiratoires pour pouvoir accéder, chercher les corps. Et au bout de quelques jours, on a rétabli une ventilation, pour donner accès aux sauveteurs, puis aux experts» pour comprendre les circonstances de l’accident.
«Le grisou, c’est un danger incolore»
Sur les 22 mineurs décédés, la moitié avaient moins de 25 ans. Et les restants se sentaient unanimement «touchés, meurtris», se souvient-il encore.
Si Bernard Starck travaillait majoritairement dans l’aile est et que l’accident s’est produit à l’opposé, il connaissait «toutes les victimes, de vue. On se croisait» au quotidien, se remémore-t-il.
Et d’une manière générale, tous les mineurs partageaient la crainte du coup de grisou. «Le grisou, c’est un danger inodore et incolore. On sait qu’il peut être partout, mais ça ne se détecte qu’avec des appareils.»
«Bien sûr, on connaissait tous les dangers, mais personne ne s’attendait» à cette catastrophe, a-t-il poursuivi. «On se dit toujours que ça n’arrive qu’ailleurs…»
Un coup de poussière a suivi le coup de grisou.
Le chantier n’a repris que «six ou sept mois après», tandis que les mineurs étaient informés, «après coup, au fur et à mesure par notre hiérarchie» des circonstances de l’accident. «Au début, tout le monde connaît la cause (le coup de grisou), mais pas le pourquoi», résume Bernard Starck.
L’origine de l’explosion n’a jamais pu être établie avec certitude.
Un procès en 1992
Mardi, le préfet de la Moselle a rendu hommage aux victimes devant une stèle érigée à Forbach, en présence de plusieurs dizaines de personnes. Une messe a été célébrée.
«Ici en Moselle, la mine n’était pas seulement une industrie, elle était une culture, une fierté, une grande famille. Diverses origines, diverses générations réunies pour construire un avenir commun», a déclaré le préfet.
Cette commémoration, Bernard Starck confie y assister chaque année. Un moyen de ne pas oublier ses camarades, et de retrouver des connaissances de la mine. «On était solidaires», assure-t-il.
«Il y avait aussi des divergences d’opinions comme partout. Mais avec le travail au fond, la pénibilité, les risques», elles s’effaçaient.
Au lendemain du drame, la sécurité au fond de la mine a été mise en cause. Lors d’un procès en 1992, le chef de siège du puits Simon et son adjoint ont été condamnés à des peines de prison avec sursis tandis que l’exploitant, les Houillères du bassin de Lorraine (HBL), a été déclaré civilement responsable de la catastrophe.
L’extraction du charbon en France était alors déjà en déclin. En 1990, elle avait cessé dans le Nord-Pas-de-Calais, et en 1997 le puits Simon fermait définitivement.
Bernard Starck a, comme d’autres de ses collègues, terminé sa carrière au puits de la Houve, à Creutzwald, non loin de là.
La plus grande catastrophe minière d’après-guerre en France, à Liévin dans le Pas-de-Calais, avait fait 42 morts en décembre 1974.