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Faut-il faire une croix sur l’enseignement religieux en Alsace-Moselle ?


La participation à ces cours est déclinante. En 2014, un peu moins de 60% des petits Alsaciens-Mosellans suivaient des cours de religion au primaire. (Photo AFP)

Impensable ailleurs en France dans le secteur scolaire public, l’enseignement religieux perdure en Alsace-Moselle, une exception toutefois menacée par une récente proposition de l’Observatoire de la laïcité, qui a suggéré de rendre ces cours pleinement optionnels.

«Aujourd’hui nous allons étudier la représentation du sacré à travers deux témoins, Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus et Saint-Benoît-Labre» : nous sommes bien en 2015, dans un collège public de Metz, où une douzaine d’élèves de quatrième, attentifs, suivent leur cours de religion catholique hebdomadaire. Ce jour-là, ils sont invités par leur professeur de religion à réfléchir à des questions comme «Qu’est-ce qu’un témoin de Dieu ?» ou «Comment un pèlerin peut trouver Dieu ?»

Certains paraissent incollables, notamment ceux qui suivent en parallèle des cours de catéchisme. D’autres hésitent : «Un pèlerin, c’est quelqu’un qui marche, euh…», bredouille une élève, tandis qu’une autre confond «conversion» avec «conversation».

En mai l’Observatoire de la laïcité, instance rattachée à Matignon, a suggéré de renforcer la dimension facultative de ces cours : les élèves ne souhaitant pas les suivre ne seraient plus tenus (de demander une dispense, comme c’est le cas actuellement, les autres au contraire devraient s’y inscrire. Cette proposition a fait bondir les églises d’Alsace-Moselle, craignant à terme «la mort de l’enseignement religieux».

Car la participation à ces cours est déjà déclinante. En 2014, un peu moins de 60% des petits Alsaciens-Mosellans suivaient des cours de religion au primaire, et seulement un quart environ au collège, selon les rectorats.

L’Alsace et la Moselle ayant été annexées par l’Empire allemand de 1871 à 1918, les lois sur la laïcité votées en France durant cette période ne s’y appliquent pas. Le régime scolaire local a toujours pour socle la loi Falloux de 1850, qui prévoit que l’enseignement primaire comprend l’instruction religieuse des quatre cultes reconnus par le régime concordataire alsacien-mosellan (catholique, luthérien, réformé et israélite).

«Laïcité à l’alsacienne»

Josselin, 13 ans, qui habite près de Metz, a suivi un cours de religion quand il était au CP. «Je n’ai pas voulu continuer par la suite, ça ne me plaisait pas spécialement, témoigne-t-il. On parlait de Jésus, il y avait des chansons… C’était un peu vintage !» Alicia, 15 ans, qui vit près de Forbach, a arrêté en sixième, après avoir eu sa «période de réflexion sur ça». Mais elle garde un bon souvenir des histoires de la Bible qu’on lui racontait : «Cela m’a beaucoup apporté pour ma culture générale», confie-t-elle.

«Cela me semble être un enseignement de base pour les enfants, qu’ils soient croyants ou non, pour comprendre le monde qui les entoure», estime Laurent Py, qui se dit «catholique laïc». Deux de ses enfants en primaire suivent des cours de religion à Strasbourg, un «cours chrétien œcuménique» faisant lien avec le judaïsme et l’islam, précise-t-il. «C’est la laïcité à l’alsacienne, qui implique une connaissance des autres religions et un dialogue qui a toujours été très présent chez nous.»

Cathy Schweitzer, enseignante en primaire à Thionville, a en revanche dispensé ses trois enfants des cours de religion dès le CP, de peur qu’ils soient «intoxiqués». Elle aimerait cependant des cours laïcs de «culture religieuse» dès le primaire.

Le Quotidien AFP