Qu’elle n’a pas été la surprise de Patrick Van Horenbeeck, lorsqu’il a reçu mardi à 14h, un coup de fil d’un opérateur lui demandant s’il pouvait acheminer de toute urgence des poutres pour consolider la cathédrale Notre-Dame de Paris. En l’occurrence : 10 poutres de 20m sur 1,20m, et de forte épaisseur.
«Nous ne sommes pas nombreux à fabriquer de grandes poutres, explique l’entrepreneur stabulois, patron d’Artbois, l’un des fleurons belges de la charpente en lamellé-collé. Je suppose que d’autres personnes ont dû être contactées, qui n’avaient pas de stock. C’est exceptionnel de trouver des poutres de cette taille disponibles. J’ai décidé de détourner de leur destination des poutres réservées à un autre client (NDLR : l’université de Louvain-la-Neuve), qu’on devrait tout de même livrer à temps dans trois semaines.»
Des poutres fabriquées en Gaume vont donc contribuer à la sauvegarde de ce patrimoine de l’humanité.
Une journée dingue
Vers 15h30, l’entreprise a reçu les consignes et a commencé la découpe. À 17h, elle attendait du bureau d’études la liste de poutres, plus petites, à joindre à la commande. Une liste dressée en fonction du stock de l’entreprise, qui s’élève entre 300 et 400 m3.
Artbois emploie une vingtaine de personnes. Mardi, en fin d’après-midi, quatre ouvriers s’affairaient dans le hall gigantesque, tandis que deux autres préparaient le convoi.
Escorté par la police française
Le patron a conduit ce convoi tout à fait exceptionnel dans la nuit de mardi à mercredi. «On devrait partir à minuit pour arriver vers 4 ou 5h du matin à Paris, avançait Patrick Van Horenbeeck, mardi en fin d’après-midi. Des grues géantes sont en cours d’installation pour être prêtes à notre arrivée. La préfecture est en train de préparer les papiers de notre convoi. Une fois arrivé à Paris, on sera escorté par la police, jusqu’à Notre-Dame.»
Il était 17h lorsque nous quittions Artbois et son patron, pour qui la journée était vraiment loin d’être terminée!
Lydie Picard/L’Avenir
«Pour nous, charpentiers, c’est quelque chose!»
Patrick Van Horenbeeck, vous êtes maître charpentier et avez suivi plusieurs formations spécifiques en France. Qu’est-ce que vous éprouvez à livrer du bois pour consolider Notre-Dame de Paris?
Patrick Van Horenbeeck : Je suis d’abord très ému par cette catastrophe. La charpente de Notre-Dame était l’une des plus belles au monde. Pour nous, charpentiers, c’est quelque chose! Je n’ai jamais eu la chance de la voir en vrai, mais je la connaissais sur photo.
Est-ce que vous avez déjà reçu ce genre de commandes en urgence?
En urgence, pour des incendies, oui. Mais pour des bâtiments plus petits, et jamais pour un bâtiment de cette aura.
Que rapporte un contrat de ce type?
On n’a pas parlé argent. On avait les quantités suffisantes pour aider dans l’urgence et essayer que la catastrophe ne s’amplifie pas. Les prix en lamellé-collé sont connus. Le but n’est pas de réaliser une opération financière.
Vous êtes basé à Étalle. Est-ce que cela vous arrive souvent de livrer en France?
Très fréquemment. On travaille avec beaucoup de charpentiers français. Il y a une tradition de charpentiers en France. On leur livre des poutres usinées et ils s’occupent eux-mêmes de la conception et du montage.