« On a la mine dans le cœur » : pour une trentaine d’anciens mineurs de Moselle, l’attachement au charbon, même 20 ans après sa fermeture, le 23 avril 2004, reste présent et le travail de mémoire, indispensable.
Ce maardi 23 avril marque les 20 ans de la fermeture à Creutzwald du puits de la Houve, dernière mine de charbon en France, après trois siècles d’exploitation.
Ces anciens mineurs ont voulu organiser une « commémoration » et non un « anniversaire », insiste Serge Wernet, président de l’amicale des mineurs-sapeurs de cette commune frontalière de l’Allemagne.
Wernet, qui y a travaillé de 1977 à sa fermeture, se remémore, ému, « cet univers à part », « hostile », mais marqué par des travailleurs « très solidaires, unis ».
À la Houve, une « petite mine », il y a eu jusqu’à 2 500 mineurs employés, bien moins qu’à Freyming-Merlebach, à quelques kilomètres de là, avec « 5 000, 5 500 mineurs », selon Wernet. C’est cette dernière qui aurait dû sceller trois siècles d’histoire charbonnière française, mais elle a fermé plus tôt à la suite d’un coup de terrain.
Après la Seconde Guerre mondiale, quelque 300 000 personnes travaillaient dans les mines de charbon en France.
Le gisement de la Houve, « pas très riche », était « très éloigné du puits. Tous les jours, on avait une bonne heure de transport pour aller au chantier », se souvient-il. « C’était une ville souterraine, on se croyait dans le métro ».
« Une déchirure »
La fin annoncée du charbon a commencé à se faire sentir dans les houillères à partir des années 1980, selon Bernard Starck, ancien responsable de service et électromécanicien à la Houve.
Après avoir débuté dans le privé, il est venu au fond « pas pour le salaire, mais pour les avantages en nature, car je comptais me marier », relate-t-il. Parmi eux, le logement ou encore une sécurité sociale spécifique.
La mine, c’était aussi les combats sociaux, rappelle-t-il. Au milieu des années 80, les embauches étaient gelées à la Houve.
Et « si on n’embauche plus, on ferme », savaient déjà les travailleurs. « Pour nous, ça a été une déchirure. On n’avait pas envie de partir », insiste Bernard Starck, malgré un « Pacte charbonnier » avantageux qui préparait la fermeture des mines. Signé dès 1994, il garantissait un emploi dans le cadre d’un congé de fin de carrière.
Ce « pacte » permettait à l’État d’exprimer la « reconnaissance de la Nation pour une profession qui a contribué au redressement économique de la France », selon le site internet des Charbonnages de France, et définissait les conditions d’arrêt de l’exploitation en 2005, une échéance ensuite ramenée à 2004.
Le Pacte assurait un niveau de ressources correct ainsi que la gratuité du logement « à vie » et des garanties de mobilité interne pour les plus jeunes.
À Creutzwald, 20 ans après, une exposition et des animations ont permis aux habitants, qui ont « tous un père, un grand-père, un oncle qui a travaillé à la mine », de se replonger dans l’épopée du charbon, explique le maire de la commune, Jean-Luc Wozniak. Sinon, la mine, « c’est deux ou trois lignes dans un livre d’histoire ».
Maintien de l’emploi
Il y a « un avant » le charbon et « un après », souligne Wozniak. En plus de fédérer, la mine faisait l’activité économique de tout un territoire, note-t-il.
Il y avait donc un enjeu à l’échelle du territoire d’anticiper la fermeture et de développer d’autres industries. « On a réussi à avoir quasiment sur toute la période un maintien de l’emploi », souligne Isabelle Prianon, directrice générale des services à la communauté de communes de Warndt. De nouvelles zones d’activités ont vu le jour et l’industrie s’y est développée.
Pour les mineurs de Creutzwald, une déception demeure toutefois : du puits, tout a été rasé. Pas un chevalement ne subsiste.
Et si, avec cet attachement, la mine est « dans le cœur » de certains, elle est aussi dans les voies respiratoires d’autres ouvriers, souffrant de silicose ou de cancers, rappelle Wernet.
Tous n’ont pas été reconnus comme atteints de cette maladie et des actions en justice sont en cours dans certaines régions de France pour faire reconnaître la part de responsabilité de leur ancien employeur – l’État – dans ces maladies.