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En Moselle, la colocation pour « stimuler » les malades d’Alzheimer


Au Luxembourg, actuellement près de 7 539 personnes souffrent d’une démence, ce qui représente environ 1.25 % de la population luxembourgeoise selon le rapport d’Alzheimer Europe de 2019. (Photo : Pixabay)

« Ils régressent moins qu’en Ehpad » : à Baerenthal (Moselle), des personnes atteintes d’Alzheimer ou de maladies apparentées vivent ensemble dans une maison partagée dédiée aux personnes porteuses de troubles cognitifs, leur apportant sécurité et stimulations.

Avoir plus de 80 ans et vivre en colocation : c’était le souhait de Marlène, 84 ans, qui habitait jusqu’au début de l’année dans un logement individuel et a été la première locataire de la maison, ouverte en février. Mais avec la maladie, vivre seule devenait compliqué : « Elle confondait les personnes qui venaient faire le ménage, on lui déplaçait ses affaires », narre sa cousine, Yolande, venue lui rendre visite.

Son appartement, s’il était situé dans « un bel immeuble » à quelques kilomètres de là, était au premier étage. « Elle est tombée plusieurs fois dans les escaliers » et s’était même cassé le poignet, complète Suzanne, une amie de longue date. « Elle disait : ‘J’ai envie de vivre avec une femme’ « , se souvient Yolande, qui estime que son projet de vie se tournait davantage vers la colocation que vers un Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Elle y a également amené son chien, son « chéri », sans qui elle aurait refusé de déménager.

Comme deux copines, elle discute en alsacien avec Odile, sa colocataire du même âge. Elles rient, souvent. Restent pensives, parfois. Toutes deux disent se sentir bien dans leur maison: « On regarde la télé ensemble et on a des amies, surtout », insiste Odile.

« Régression » moins rapide 

Jacqueline, 81 ans, était elle en Ehpad avant de rejoindre l’habitat partagé de Baerenthal.

« En Ehpad, les personnes régressent plus vite », selon Sandy Zeis, responsable par intérim de la maison partagée. Auxiliaire de vie de formation, elle a travaillé en Ehpad et voit une différence notable : « On essaie de les stimuler, de les élever, de les aider » au quotidien, explique-t-elle, avec des animations tout au long de la journée notamment.

Un constat partagé par Audrey Birba, auxiliaire de vie depuis trois ans, qui travaillait auparavant à domicile. Dans ce cas de figure, « il y a toujours un temps précis » dévolu aux aides, comme « 30 minutes pour la toilette » alors que certains malades ont besoin de nettement plus. « Ici, on peut prendre deux heures s’il le faut ».

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pointait par ailleurs en juillet une prise en charge insuffisante des personnes atteintes d’Alzheimer en Ehpad.

Petits Frères des pauvres ou La Maison des sages sont d’autres exemples d’associations et entreprises ayant développé l’habitat inclusif pour ces personnes, comme alternative aux Ehpad ou au maintien difficile à domicile, alors que plus d’un million de patients souffrent d’Alzheimer en France.

« Lien familial » 

Sur les murs du couloir de cet ancien hôtel réhabilité en maison partagée, des citations, dessins, et même un « poème d’Alzheimer » : « Ne me demande pas de me rappeler, n’essaie pas de me faire comprendre, laisse-moi me reposer », peut-on y lire.

La maison ne contient qu’un salon et qu’une table pour manger, afin que les neuf résidents qui peuvent y être accueillis vivent ensemble, « pour retrouver le lien familial », souligne Djamel Souami, directeur général de CetteFamille, l’entreprise qui gère la maison.

Les personnes atteintes de maladies cognitives passent plus de temps encore dans les espaces communs, selon Samuel Ahovi, Responsable des ouvertures de maisons à CetteFamille.

Avec les déductions des différentes aides (Allocation personnalisée d’autonomie, allocation de logement social) et du crédit d’impôt pour les particuliers employeurs – les colocataires étant les employeurs des auxiliaires de vie –, ce type d’habitat revient, en moyenne, à 2 200 euros de reste à charge par mois, selon Djamel Souami.

La chambre de Marlène dispose d’un balcon avec vue sur la forêt, comme dans son précédent logement. Sa nouvelle commune de résidence convoque, encore, des souvenirs d’enfance : ses parents possédaient un mobile-home dans le camping de Baerenthal, où elle se rendait régulièrement.

Malgré tout, la cousine de Marlène le reconnaît, dans des « moments de lucidité », elle aimerait bien sortir de la colocation et retrouver sa vie chez elle. « Elle a des souvenirs, c’est normal. Mais ça passe vite ».