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En Alsace, les cigognes parfois un peu trop à leur aise


Petit à petit, l'oiseau a refait son nid en Alsace... mais pas toujours au bon endroit. (photo AFP)

Cheminées malmenées, gouttières obstruées, salissures : les cigognes ont retrouvé leurs aises en Alsace, après avoir presque disparu dans les années 1970, mais la multiplication des nids oblige les communes à s’adapter.

« Disons qu’elles ne demandent pas vraiment de permis de construire », sourit Daniel Burrus, maire de Neuwiller-Lès-Saverne (Bas-Rhin), qui compte 28 nids de cigognes pour environ 1 100 habitants. Sur le clocher de l’église du village, un couple installé sur un nid imposant laisse tomber des branches en contrebas. « Cela peut tomber sur des gens ou boucher les gouttières », s’inquiète le maire.

Comme dans beaucoup d’autres communes alsaciennes, le grand échassier blanc, qui a frôlé l’extinction dans les années 1970, « revient en nombre » depuis dix ans, construisant parfois des nids de plusieurs centaines de kilos. Entre 800 et 900 couples résident désormais dans la région, après avoir passé une partie de l’hiver sous des latitudes plus chaudes.

« Le front de colonisation avance », se réjouit Christian Braun, président de la Ligue de protection des oiseaux en Alsace. « Mais ces espèces ont besoin du gîte et elles s’installent parfois un peu n’importe où », concède-t-il.

Les touristes ravis

À Muttersholtz (Bas-Rhin), « le nombre de nids est en progression constante », confirme le maire Patrick Barbier, qui a recensé « trois cas d’installation sur des cheminées actives » en quelques mois dans sa commune. Les nids étant protégés, comme l’animal, il faut demander une autorisation auprès des services de l’État pour procéder à leur replacement, sous peine d’amende. Mâts en bois surmontés d’un nichoir, pylônes électriques aménagés, corbeilles métalliques : la hauteur est l’une des conditions qui assure le succès des opérations. Cinq nids artificiels ont ainsi été aménagés sur le large toit du temple protestant de Munster (Haut-Rhin) pour accommoder des couples amoureux.

« Les touristes sont emballés de voir autant de cigognes. C’est une grande fierté de les compter parmi le voisinage », apprécie Albert Arlen, adjoint à l’environnement de la ville. Pour tous ces élus, malgré les désagréments liés aux salissures et aux coûts des opérations de replacement, pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros, la présence de l’oiseau à bec rouge est une « chance », un « bonheur ». « Mais on se pose la question de la population maximale que l’on peut accueillir. J’aimerais bien qu’on partage davantage avec les villages orphelins », admet l’un d’eux.

Problèmes de sécurité

Florent Bodina, technicien au conseil départemental du Haut-Rhin, chargé d’aider les communes et particuliers à faire face, approuve : « On essaye d’installer les cigognes là où il n’y en a pas encore ». Une surdensité de population au même endroit « pose problème », y compris pour la sécurité des oiseaux, selon le spécialiste. « On en reçoit de plus en plus », relève Guy Marchive, directeur du Gorna, centre de soins pour la faune sauvage en détresse, à Neuwiller-lès-Saverne. En 2017, 58 cigognes accidentées y ont séjourné, un chiffre qui a doublé en trois ans. « Il y a une crise du logement et cela génère des combats : un couple occupe un nid, mais un mâle plus virulent va les éjecter et attaquer les petits », raconte le directeur. « Et dans certaines communes, il n’y a plus assez de place pour en construire, donc elles se rabattent sur des poteaux électriques non adaptés », ajoute-t-il.

Mi-mai, ses employés ont recueilli quatre cigogneaux dont le nid, perché sur un pylône, a pris feu après un court-circuit. Sauvés par les pompiers, soignés, nourris et émancipés au Gorna, les cigogneaux ont depuis retrouvé le ciel alsacien à la recherche de leur propre nid douillet.

Le Quotidien/AFP