La chancelière allemande Angela Merkel, ébranlée par la crise des réfugiés, risque gros dimanche lors de trois élections régionales cruciales (dont la Rhénanie-Palatinat) où son camp conservateur risque de mordre la poussière et la droite anti-immigration de créer la sensation.
Dans le Bade-Wurtemberg (sud-ouest), la Rhénanie-Palatinat (ouest) et la Saxe-Anhalt (est), 12,7 millions d’Allemands sont appelés à renouveler leur parlement régional pour ces premières échéances électorales depuis qu’Angela Merkel a ouvert les portes de son pays aux réfugiés.
« Ces scrutins sont extrêmement importants pour la chancelière et sa coalition car ils vont servir de test de la politique contestée menée par le gouvernement » sur les migrants, analyse Jens Walther, politologue de l’Université de Düsseldorf.
Dans ces trois Länder –deux dans l’Ouest, plutôt riches, et un dans l’ex-RDA, plutôt défavorisé–, l’afflux de réfugiés qui fait vaciller les Allemands dans leurs certitudes aura monopolisé la campagne électorale.
Angela Merkel a bien tenté de boucler lundi un accord entre l’Union européenne et la Turquie pour aboutir à une réduction substantielle des arrivées de réfugiés en Europe, conformément à sa promesse de fin 2015. Mais finalement, il faudra attendre un nouveau sommet européen les 17-18 mars pour éventuellement voir un compromis paraphé.
« L’objectif (de décrocher un tel accord était) clairement lié aux élections régionales » alors que les Allemands réclament un tour de vis en matière d’immigration, poursuit M. Walther.
La facture politique devrait s’avérer très lourde pour les partis traditionnels. Car depuis que plus d’un million de demandeurs d’asile sont arrivés en 2015, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) de Mme Merkel mais aussi le camp social-démocrate accusent des pertes conséquentes.
Dans le riche et puissant Bade-Wurtemberg, terre conservatrice pendant près d’un demi-siècle, la CDU est menacée d’être détrônée en tant que première force politique par les Verts qui dirigent la région depuis cinq ans dans une alliance avec le SPD. Ils recueillent 33,5% des intentions de vote, contre 28,5% pour les conservateurs, selon un sondage Insa.
Dans la Rhénanie-Palatinat, l’étoile montante de la CDU, Julia Klöckner, présentée par certains comme une dauphine d’Angela Merkel, ne devrait guère engranger un score mirobolant: elle fait jeu égal avec le SPD à 35%.
Dans ces deux régions, les têtes de liste conservatrices ont tout fait pour se démarquer de la politique migratoire de la chancelière.
Et si en Saxe-Anhalt la CDU dispose d’une confortable avance (29%, contre 20% pour la gauche radicale Die Linke), la menace vient de son flanc droit avec la formation populiste anti-migrants Alternative pour l’Allemagne (AfD).
L’AfD pourrait même faire mieux que le SPD, partenaire de la CDU au niveau fédéral.
Dimanche dernier, lors des élections municipales dans la Hesse, la région autour de Francfort, l’AfD a raflé 13,2% des voix. Une onde de choc dans un pays où les errements du nazisme ont servi depuis 1945 de garde-fou contre l’extrême droite et les populismes au niveau national.
Nouveau venu sur la scène politique, l’AfD est crédité de jusqu’à 19% des intentions de vote en Saxe-Anhalt. Dans le Bade-Wurtemberg, il pourrait décrocher 12,5% des suffrages et dans la Rhénanie-Palatinat 9%. « Ce seront eux les grands vainqueurs dimanche soir », prédit Jens Walther.
« L’AfD devrait faire son entrée dans les trois parlements régionaux. A l’issue de ces scrutins, ils devraient donc être présents dans huit des 16 assemblées régionales » allemandes, explique également Sebastian Friedrich, politologue spécialiste du mouvement.
Les responsables politiques ne dissimulent plus leur nervosité face à l’ascension météorite de ce parti aux dérapages verbaux répétés.
La chancelière juge que l’AfD « divise (la société) et attise les préjugés ». Pour son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, ce parti est même « une honte pour l’Allemagne ».
Toutefois, même en cas de débâcle électorale, la chancelière ne risque pas grand-chose à 18 mois des élections législatives à l’issue desquelles elle pourrait briguer un quatrième mandat. « La majorité de la chancelière n’est pas en jeu dans ces élections », rappelle M. Walther. Et le SPD tient à poursuivre l’attelage qui gouverne actuellement l’Allemagne.
Le Quotidien / AFP