Les vins de Moselle sont moins connus que leurs voisins allemands ou luxembourgeois. Ce petit vignoble célèbre pourtant cette année les dix ans de son appellation d’origine contrôlée, après des années d’abandon au profit de l’industrie sidérurgique.
La région viticole la plus septentrionale du pays s’étend sur plus de 70 hectares, le long de la route des vins de Moselle sur 46 kilomètres, avec 16 vignerons récoltants qui produisent chaque année environ 330 000 bouteilles. Rien à voir avec le vignoble mosellan côté allemand qui couvre lui près de 9 000 hectares. « Une tête d’épingle sur la carte des vins de France », sourit Marie-Geneviève Molozay, exploitante du domaine du Château de Vaux.
L’histoire des vins de Moselle remonte à l’époque romaine et comptait jusqu’à 15 000 hectares et une quarantaine d’exploitants avant la Grande Guerre. Dans les années qui ont suivi, la crise du phylloxera, un puceron ravageur de la vigne, et l’industrialisation de la région ont quasiment détruit le vignoble mosellan.
Ils ne sont plus que quatre après la Première Guerre mondiale, dont le grand-père d’Eve Maurice, viticultrice au domaine Les Béliers, à Ancy-sur-Moselle. « Mon père a replanté des vignes en 1983 sur les coteaux d’Ancy. C’est vrai qu’il n’y avait plus beaucoup de viticulture à l’époque », se rappelle l’exploitante qui s’est installée à son tour sur le domaine en 2008.
Les vins blancs de Moselle sont composés à partir de trois cépages principaux : le Müller-Thurgau, l’Auxerrois et le pinot gris, « qui donnent des notes de fruits comme l’abricot ou la pêche, tout en restant secs car ils ne doivent présenter aucun sucre résiduel », souligne Marie-Geneviève Molozay.
Connus aux États-Unis et en Australie
Les rouges sont produits à partir de cépages de pinot noir, avec « des arômes de cerise, de petits fruits noirs ou de cerises noires les très bonnes années », ajoute-t-elle. Cette exploitante, issue d’une famille de négociants en vin depuis cinq générations, a repris le Château de Vaux avec son époux en 1999. La famille Molozay a récemment déménagé sa production vinicole dans les anciens chais militaires du village de Scy-Chazelles, construits par l’armée allemande et repris par les Français.
Ils produisent ici chaque année entre 80 000 et 100 000 bouteilles. Auparavant, le vin vieillit dans des cuves ou des fûts en chêne dans les caves voûtées du domaine. Les meilleurs crus, comme le pinot gris, maturent pendant 16 à 18 mois dans une vingtaine de demi-muids (environ 600 litres) en chêne de Moselle.
La production s’écoule principalement en Lorraine, chez les particuliers et les restaurateurs, mais avec le temps certaines bouteilles arrivent à traverser le pays et les continents. « De Paris, elles sont allées aussi un petit peu plus loin aux États-Unis ou en Australie, tout en préservant quand même notre commercialisation essentiellement locale grâce à nos restaurateurs qui sont très heureux de mettre en avant cette qualité de vins locaux. Il y a une grande demande par rapport aux touristes qui viennent », explique Marie-Geneviève Molozay.
« De beaux terroirs calcaires »
Si l’appellation existe depuis dix ans, l’aire géographique a seulement été définie en 2019 et s’étend sur 17 communes des départements de la Moselle et une de Meurthe-et-Moselle. « La mise en place place d’une zone géographique très précise a fait comprendre aux communes que oui, elles avaient des zones d’AOC, des zones à potentiel viticole dans toute cette immensité de friches, d’abandon des coteaux (…) avec de beaux terroirs calcaires », soutient Eve Maurice.
Son frère Alain cisaille les feuilles hautes des vignes pour la rendre plus aérée et qu’elle se concentre sur le raisin, dans une parcelle en pente si raide qu’aucune machine ne peut venir jusqu’ici, l’obligeant à couper à la main. Une opération nécessaire après les intempéries mi-juillet où l’humidité a favorisé l’expansion du mildiou dans les vignes, condamnant une partie de la récolte. « Le mildiou a fait des dégâts cette année. Sur les parcelles les plus abîmées, je suis à 50% de pertes », déplore Eve Maurice qui compte sur un temps chaud et sec jusqu’aux vendanges prévues cette année entre le 20 et le 25 septembre.
LQ/AFP