La foule des beaux jours en terrasses : la scène, pour le moment inconcevable en France, est une réalité au Luxembourg depuis le 7 avril. Ce samedi, quelques frontaliers attirés par cette odeur de liberté ont été surpris en flagrant délit de convivialité dans la capitale grand-ducale.
« On est complet, même archi-complet. C’est déjà le cas en semaine alors là, un samedi… » 11h40, un doux soleil printanier caresse la terrasse de l’Urban, un resto tendance de la capitale grand-ducale. La Grand-Rue, avec ses terrasses déjà bondées, affiche un visage coloré. Les verres s’entrechoquent, les masques tombent pour goûter ce plaisir retrouvé d’un déjeuner à l’air libre. Et assis, avec en prime le service à table. Un luxe vu de France , « une respiration », de l’aveu de Valentin.
Ce Thionvillois, serveur au bar à vin Le Pas Sage, nous invite à le retrouver derrière l’établissement. Le travailleur frontalier dévoile une charmante terrasse, peuplée d’une trentaine de tables toutes lestées d’un petit carton frappé d’un message définitif : « réservé ».
Valentin comprend notre mine déconfite de… confinés en sursis : « Je sais, ça donne envie. Je vis au quotidien entre ces deux mondes, celui où tout reprend au Luxembourg et celui encore à l’arrêt en Moselle. » On le questionne sur la clientèle du jour. Il sourit : « Beaucoup de locaux et… » Et les autres. Ceux qui se laissent guider par l’odeur alléchante de ce sentiment de liberté. « Oui, il y a des Français. Mais ils ne sont pas si nombreux, dévoile le jeune homme. Je pense que beaucoup ont été dissuadés de passer la frontière. » Une allusion à l’opération de contrôles d’envergure orchestrée samedi dernier sur l’A31. À l’entendre, la plus importante colonie de « contrevenants » proviendrait d’un autre pays voisin : « Les Belges. On les voit en nombre depuis la réouverture de la restauration le 7 avril. Ce sont des bons vivants, ils ne se cachent pas. »
« Au pire, je prétexterai un rendez-vous clientèle »
Changement de décor. Nous nous transportons place d’Armes. Le cœur de Luxembourg-Ville bat fort, très fort. Pas une place de libre à l’horizon. Même les fast-foods ne font pas honneur à leur réputation : leurs clients donnent plutôt dans le « slow » en s’accrochant à leur chaise. « Oui, je suis Français. Et alors ? » Alors Moien, très cher compatriote. « Je travaille dans un cabinet d’avocats. Au pire, si je me fais coincer, je prétexterai un rendez-vous clientèle, anticipe le Mosellan. Franchement, je préfère prendre un petit risque pour manger ici plutôt que de passer mon samedi à errer à Metz. »
Nous abandonnons le « délinquant » pour aller flâner devant l’hôtel cinq étoiles de la place. Il suffit de laisser traîner une oreille indiscrète pour entendre des échanges dénués d’accent luxembourgeois… « En effet, des Français séjournent dans l’établissement, confirme le directeur Jean-Grégoire d’Amman. Le Luxembourg a toujours attiré même si bien évidemment le contexte du moment donne plus envie de découvrir la capitale. » Et plus encore sa gastronomie…
Jean-Michel Cavalli (Le Républicain lorrain)