La proposition de loi Cigéo, décidant de la poursuite du projet très controversé d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, en Meuse, sera débattue au Sénat français mardi.
Après plusieurs tentatives maladroites d’enfouissement, le projet Cigéo, qui entend faire de Bure, en Meuse, un centre de stockage de déchets nucléaires à vie longue, va faire l’objet d’un débat parlementaire à part entière. Il débutera ce mardi au Sénat. Une première victoire pour ceux qui s’y opposent.
Depuis 2015, le gouvernement et quelques parlementaires ont bien essayé de noyer ce dossier explosif dans des amendements. D’abord dans les tréfonds de la loi de transition énergétique de Ségolène Royal. Puis dans celle de relance de l’économie d’Emmanuel Macron. En vain. À chaque fois, des voix se sont élevées pour exiger un vrai débat. Même le Conseil constitutionnel s’en est mêlé, retoquant le dernier amendement Macron.
Résultat : alors que la loi Bataille de 2006 prévoyait qu’il reviendrait au gouvernement de déposer la proposition de loi, celui-ci a refilé la patate chaude aux parlementaires. Une habile manœuvre politique pour éviter de faire voler en éclats de fragiles alliances avec ce qu’il reste d’écolos. Le député PS meurthe-et-mosellan Jean-Yves Le Déaut et le sénateur LR meusien Gérard Longuet se sont donc coltinés le sale boulot en déposant la proposition de loi dans les deux chambres.
Dans le détail, la proposition de loi va bien au-delà du simple débat sur la réversibilité des déchets initialement prévu. Elle présente de sérieux ajustements à la loi de 2006. « Sans nouvelles dispositions législatives, la demande d’autorisation serait bloquée », se justifie Jean-Yves Le Déaut. Le dépôt de celle-ci, prévu pour 2015, est en revanche repoussé de trois ans par la proposition de loi.
Le problème Baupin
Idem pour le délai entre débat public et enquête publique, porté de cinq à dix ans. La maîtrise foncière est, elle, repoussée à la délivrance de l’autorisation de mise en service complète plutôt qu’au moment de l’autorisation de création. Cela permet au porteur de projet de poursuivre sereinement l’acquisition des terrains.
Enfin, la proposition grave dans le marbre l’ajout d’une phase industrielle pilote. Une nouveauté issue des conclusions du dernier débat public. Elle fera l’objet d’une autorisation de mise en service partielle, ce qui change considérablement les règles du jeu initiales. L’autorisation de mise en service complète n’interviendra qu’après, via la promulgation d’une nouvelle loi. Un changement de procédure qui ne passe pas auprès des anti-Cigéo qui y voient une manière de démarrer le projet coûte que coûte.
«Cette étape reviendrait à mettre en service, sans passer par la procédure prévue, une première tranche industrielle», dénonce le réseau Sortir du nucléaire qui parle d’un «texte précipité accélérant la mise en service d’un projet démentiel, dont de nombreux aspects sont encore inconnus». Il estime que cette loi «aboutirait à court-circuiter un débat parlementaire documenté et complet sur l’enfouissement».
La loi Bataille prévoyait, en effet, que les parlementaires soient consultés après l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire. Ce n’est plus le cas. Mobilisés, les anti-Cigéo organisent différentes actions décentralisées d’ici au 17 mai.
Après avoir été examiné au Sénat, le texte sera présenté à l’Assemblée nationale où l’attitude de Denis Baupin sera particulièrement scrutée. Les accusations de harcèlement sexuel qui pèsent sur le député pourraient l’inciter à se faire discret. Les antinucléaires y perdraient gros. Jusque-là, l’écolo était le principal pourfendeur du projet Cigéo.
Philippe Marque / Le Républicain lorrain