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De précieuses sérigraphies pour la postérité


Les photos jaunies dans la boîte en fer-blanc, le Kodak Brownie en plastique, les agences de pub ont forgé le regard du photographe Patrick Secco.  (Photo : le schmirlab)

En poussant la porte du Schmirlab, les conservateurs d’État de la médiathèque Verlaine cherchaient des images résolument contemporaines de la ville.

Le pont Amos, il l’a photographié sous toutes ses coutures. Des coutures réalisées « sans soudure avec des rivets comme à la Tour Eiffel », souligne Patrick Secco, artiste à l’atelier de sérigraphie du Schmirlab, à Metz. De nuit comme de jour, par tous les temps, il a mitraillé l’ouvrage du Sablon. Avec ses deux arches et un parapet aux motifs Art Nouveau, « c’est le plus beau pont de Metz ». Il en a fait sa toute première épreuve sérigraphique. En noir et blanc, très graphique, en courbes et ombres chinoises, on dirait une estampe de Jacques Tardi. Il l’a numérotée : « Pont Amos 01 ». Depuis, la série de Patrick Secco s’est étoffée. L’an dernier, il a signé son 50e poster dédié à l’Hôtel des Arts et des métiers, avenue Foch. En sept ans, le graphiste a croqué de nombreux bâtiments messins, des plus emblématiques ( la cathédrale , la gare, le Temple Neuf) aux plus discrets (un immeuble de la rue Henry-Maret, un vieux garage, rue Clotilde-Aubertin) avec des coups de cœur ( La Maison Heler et cinq versions du pont Amos).

Sa série s’est aussi attardée du côté du haut-fourneau de l’U4 à Uckange ou du site sidérurgique de la Vöklinger Hütte. Certains numéros ont pris l’air au bassin d’Arcachon ou dans la «Ficelle» de Fourvière à Lyon.Mais c’est l’œuvre messine qui a retenu l’attention de la médiathèque Verlaine du Pontiffroy.

L’amour de la photographie

«Un jour, deux personnes sont entrées au Schmirlab et m’ont dit qu’elles voulaient acheter des images sur Metz. J’ai montré tout ce qui était disponible», relate le photograveur. Les dessins sérigraphiés de Jérôme Maillet ou les travaux de la graphiste Frédérique Giacomazzi ont aussi été sélectionnés pour la postérité. Ces œuvres ont été versées à la Réserve précieuse de la médiathèque où sont conservés les éléments remarquables du patrimoine messin.

Patrick Secco ne s’attendait pas à un tel honneur. Son œuvre s’est construite sans coup d’éclat, nourrie par ses pérégrinations et les personnes qu’il a croisées. Son premier appareil, «c’était un Kodak Brownie en plastique ! Ça ne valait rien, mais, pour moi, c’était magique!». Enfant de Nilvange, il avait droit aux spectacles de Noël du CE de De Wendel et aux cadeaux sur catalogue où figurait le fameux boîtier. «Les copains ont été mes modèles, la nature aussi.» Pour développer, « j’allais chez le droguiste. Ça coûtait des sous!» Patrick Secco, dans l’atelier du Schmirlab, rue des Jardins.

Il a appris à développer au collège puis au labo de l’Armée. À 18 ans, il achetait un Zenit TTL et s’en servait le dimanche pour photographier, «émerveillé», la ville de Metz. À 20 ans, il était embauché chez Guérin photogravure pour «fabriquer des typons, ces films transparents pour faire des plaques chez les imprimeurs. On bossait pour les agences de publicité». Graphiste et photographe, il a aussi travaillé aux côtés de Christian Legay, photographe du magazine municipal. Au chômage à 58 ans, photographe événementiel jusqu’à la retraite, il a poussé, en 2018, la porte du Schmirlab. C’est là que le graphiste Loïc Streiff l’a initié à la sérigraphie et que Patrick Secco a créé son tout premier «Pont Amos». Aujourd’hui, ce travail appartient aussi au patrimoine lorrain.

Les incunables médiévaux et les posters du Schmirlab

Une partie des travaux du Schmirlab sont désormais conservés dans la Réserve précieuse de la médiathèque de Metz, au même titre que les manuscrits et livres rares, dont des incunables, ces premiers ouvrages imprimés de façon mécanique avant 1500. Ils ont rejoint les collections iconographiques qui comptent déjà des gravures très anciennes, des affiches et des photographies.

Leur conservation permettra aux prochaines générations d’étudier les sérigraphies du XXIe siècle en tant que mode d’expression et de représentation. Les œuvres de Patrick Secco proviennent de ses archives photos. « Mais je ne voulais pas me borner à les imprimer. » Aidé du graphiste Loïc Streiff, il a « désappris les techniques de la photo, gommé les nuances et les demi-tons, opté pour les contrastes, recadré, en supprimant des détails ». D’autres artistes, au Schmirlab, partent du dessin, comme Jérôme Maillet, Cyrille Rousseau ou Cédric Lestiennes. La professeure de cinéma Virginie Schmitt travaille à partir d’images vidéo, et l’artiste Guillaume Chiron avec des collages. Les documents de la Réserve précieuse peuvent être consultés sur place dans le cadre de recherches. Les sérigraphies sont en expo-vente au Schmirlab, rue des Jardins, du mercredi au vendredi, de 14 h à 19 h, et dès 10 h, le samedi.