De la Moselle à la mer du Nord : le voyage d’un mégot jeté dans le caniveau

On sait qu’on ne devrait pas jeter son mégot par terre. Mais qui est parfait ? Pour minimiser sa faute, on préfère d’ailleurs faire disparaître le mégot dans l’avaloir. Pour nous, l’affaire est terminée. Mais pour le petit bout de filtre rempli de goudron, l’aventure commence.

Le périple du mégot dépend du lieu du forfait. En ville, comme au pied de la cathédrale Saint-Étienne de Metz, par exemple, « le réseau d’assainissement date de la période allemande. Il est unitaire », intervient Daniel Schmitt, directeur général de Haganis. Traduction : les eaux usées et les eaux de pluie collectées empruntent le même tuyau pour se rendre vers la station d’épuration. Le mégot, quant à lui, est retenu dans le grillage de l’avaloir. Les agents de Haganis le récupèrent lorsqu’ils nettoient le filtre. « Cependant, en cas de forte pluie, il ne sera pas retenu. Il partira vers la station. Mais en cas de surverse, il finira dans le milieu naturel. »

Dans les quartiers plus récents de Metz ou les villages environnants, « il y a un réseau séparatif avec deux tuyaux : l’un pour les eaux usées (WC, douche et vaisselle) et l’autre pour les eaux de pluie ». Le mégot prendra le second tuyau avec les eaux de ruissellement, direction le cours d’eau le plus proche. De la Seille à la Moselle, de la Moselle au Rhin, il finira peut-être par rejoindre la mer du Nord. « Il ne restera pas en l’état jusqu’à la mer. Il va gonfler, se désagréger. Un certain nombre d’entre eux resteront coincés dans les barrages, les écluses. De petits morceaux seront avalés par les poissons. »

Jusqu’à 500 litres d’eau pollués par un seul mégot

Nul ne sait combien de mégots sont ainsi jetés au caniveau dans le secteur messin chaque année. En revanche, on connaît le nombre précis de corbeilles (1 420) disposées partout à Metz. Les poubelles les plus récentes sont d’ailleurs équipées d’éteignoirs. Plus de 260 cendriers ont été mis en place par la Ville. De quoi écourter sans peine la vie du mégot. Quant au dernier chiffre, il provient du code pénal : 68 euros. C’est ce qu’on risque si on préfère l’avaloir.

Un mégot peut polluer jusqu’à 500 litres d’eau dans une rivière. C’est l’équivalent de deux baignoires remplies à ras bord. Il faut douze ans, en moyenne, pour que le filtre de cigarette se dégrade complètement. 72 milliards de mégots sont jetés dans la nature dans le monde chaque année.

Céline Killé (Le Républicain Lorrain)

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