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Cordonnier à Metz, il ne trouve pas de repreneur


Francis Laurent, emblématique cordonnier du quartier du Sablon à Metz : «J’ai eu le sentiment de rendre service. Quand vous remettez les chaussures en main propre, vous donnez un nouveau départ à celui qui les reçoit.»

En Lorraine, certains commerçants ne trouvent pas de repreneur pour passer la main. C’est le cas de Francis Laurent, emblématique cordonnier du quartier du Sablon à Metz. Pourtant, les clients sont là, et lui aura bien vécu de son activité pendant… cinquante-sept ans ! L’homme ne se donne pas de date butoir pour fermer la boutique.

Avec son tablier et sa moustache blanche, il ressemble à Geppetto, le célèbre papa de Pinocchio. La même poésie de l’artisanat. Les mêmes yeux rieurs, derrière des lunettes sur le bout du nez. L’œuvre n’est pas un pantin prêt à s’animer.

Mais l’idée s’en approche : faire avancer les gens sur leur chemin. «Des bonnes chaussures, ça vous ancre dans le sol», sourit Francis Laurent. Le dernier cordonnier de Metz-Sablon se souvient de l’enterrement de son papa. «Le prêtre avait dit : “Monsieur Laurent a aidé les gens à rester debout avec son métier”.»

Monsieur Laurent fils aussi. Mais à 72 ans, dans l’atelier du 4, rue des Jardiniers à Metz, il est temps de passer la main. «Je descends quatorze marches pour être au travail tous les matins, depuis cinquante-sept années. J’aime mon métier», déclare Francis Laurent, les yeux rougis. «Mais je ne trouve personne pour passer la main.»

«J’ai eu le sentiment de rendre service aux gens»

Le banc de finition – la machine principale de l’atelier – est rutilant comme une Harley®. Les mains de notre interlocuteur s’y sont usées : «Il y a une hiérarchie dans l’artisanat. On est tous des travailleurs, mais on n’a pas la même image. En haut, vous avez les travailleurs en blanc, comme les prothésistes dentaires. Puis les travailleurs du luxe : chocolatier, fleuriste, etc. Puis les créateurs qui se salissent les mains : menuisier, ferronnier d’art, etc. Et enfin les métiers de la réparation : on arrive aux chaussures!»

Le métier est pourtant gratifiant : «Depuis que j’ai annoncé mon départ, je reçois des chocolats, du champagne… J’ai eu le sentiment de rendre service aux gens. Quand vous remettez les chaussures en main propre, vous donnez un nouveau départ à celui qui les reçoit : c’est un moment important.»

Faire durer les chaussures, c’est écolo !

Dans les années 1960, le quartier du Sablon comptait «huit cordonniers, je suis le dernier». Avec le «prêt-à-porter/prêt-à-jeter», y compris au pied, est-ce la fin d’un métier? «Au contraire», soutient Francis Laurent. «J’ai du travail à ras de l’atelier! Avec les enjeux environnementaux, la prolongation de la durée des objets devient centrale. Le gouvernement accorde d’ailleurs une déduction pour refaire les semelles de chaussures (NDLR : 18 euros immédiats), peu de gens le savent.»

Reste à revoir ses classiques : «Je n’ai rien contre les baskets, il y a quelques modèles haut de gamme intéressants. Mais c’est une catastrophe au quotidien. Tous les utilisateurs marchent vers l’intérieur. Il ne faut pas confondre amorti et guimauve!»

La chaussure, comme le pneu d’une voiture, est le premier contact avec la route : «Une paire d’une marque sérieuse, ça se répare à volonté. Vous pensez la payer 200 euros. Mais elle vaut 20 euros par an pendant dix ans!»

Francis Laurent ne se donne pas de date butoir pour fermer la boutique. Il veut écouler le stock. Un calcul est déjà certain : «En mettant bout à bout toutes les paires de chaussures que j’ai réparées pendant ma carrière, j’arriverais à Paris.»

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