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Contrôle aux frontières : « Déjà que ça bouchonne à mort… »


Pendant un mois, des contrôles pourront être effectués au moment d'entrer en France. Reste à savoir s'ils seront systématiques ou aléatoires. (Photo archives Editpress)

L’annonce du rétablissement temporaire des contrôles aux frontières pendant la COP21 a surpris tout le monde, hier matin. Notamment les Français travaillant au Luxembourg. Ils sont 85 000.

Comme le prévoient les accords de Schengen, la France va rétablir le contrôle aux frontières du 13 novembre au 13 décembre, dans la perspective de la conférence de l’Onu sur le climat (Cop21), qui se déroule à Paris.

En Lorraine, les pionniers du travail frontalier se souviennent de l’avant-Schengen (avant 1995), lorsqu’il fallait, de façon aléatoire, montrer ses papiers d’identité au moment de passer la frontière. « On roulait au pas et les douaniers arrêtaient une voiture de temps en temps, lorsqu’il y avait des soupçons », se souvient Philippe.

Rien de bien nouveau, donc… Sauf qu’entre-temps, le travail frontalier, notamment vers le Luxembourg, a connu une véritable explosion. 85 000 Lorrains travaillent aujourd’hui de l’autre côté de la frontière. Beaucoup utilisent le bus et le train pour rejoindre le Grand-Duché. Mais ils sont encore très nombreux à se rendre au travail en voiture, sur une autoroute A31 complètement congestionnée.

« Déjà que ça bouchonne à mort au Luxembourg avec les frontaliers alors là, avec les contrôles d’identité, on va passer la nuit dans la voiture… », s’alarmait un intéressé, hier, sur Twitter, après l’annonce du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.

Plus que l’inquiétude, c’est l’interrogation qui dominait parmi les frontaliers. « Ça va dépendre de ce qu’ils entendent par contrôles, réagit Martine, employée dans une banque du Kirchberg. S’ils arrêtent tous les véhicules, on est très mal. S’ils interceptent un véhicule de temps en temps, ça ne changera rien. De toute façon, aux heures de pointe on roule déjà au pas… »

Quelle intensité ?

Ce vendredi, ni les autorités locales ni le ministère de l’Intérieur, que nous avons sollicités, n’ont été en mesure de donner des détails sur la nature des opérations de contrôles qui seront menées du 13 novembre au 13 décembre.

« Nous serons mobilisés, tout comme la Police aux frontières (Paf) et peut-être d’autres administrations, annonce Jean-Michel Dorkel, adjoint au directeur des douanes de Lorraine. Mais pour l’instant, nous ne connaissons pas la nature précise des missions qui seront les nôtres. De toute évidence, nous n’avons plus les infrastructures nécessaires pour contrôler les frontières comme nous le faisions avant Schengen. »

Les postes frontière ont été murés, reconvertis ou même détruit, comme celui de l’autoroute A31, au niveau de Zoufftgen, l’an dernier. Seul un petit parking a été maintenu au niveau du passage du Luxembourg vers la France. Assez pour permettre l’interception ponctuelle de quelques véhicules, mais largement sous-dimensionné pour opérer un contrôle systématique des entrants.

À l’insuffisance des infrastructures s’ajoute la faiblesse des moyens. La Police aux frontières et les douanes n’ont plus l’envergure nécessaire pour assurer ces missions qui nécessitent des gardes et des patrouilles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. D’autant qu’aux points de passage routiers devront s’ajouter des contrôles des trains, soit au départ à Luxembourg, soit à l’arrivée, dans les gares françaises.

Clément, un jeune informaticien qui travaille au Luxembourg depuis un an, préfère en sourire : « Je ne vois pas comment ils vont pouvoir contrôler cette frontière. Le flux de frontaliers entre le Luxembourg et la France est tellement important aux heures de pointe… Pour moi, c’est impossible. Ou alors ce sera un énorme bazar. »

Anthony Villeneuve (Le Républicain Lorrain)