L’Alsace a son écotaxe, pas la Lorraine. Le refus d’accorder au Grand Est le droit d’imposer une écotaxe pour poids lourds sur l’A31 ouvre la voie à une circulation encore plus dense à partir de 2024. Le déficit d’infrastructures pourrit la vie au quotidien sur le sillon lorrain.
Le pire est-il encore à venir ? On a beau tourner le problème dans tous les sens, on voit mal comment la situation routière déjà catastrophique de l’A31 n’empirerait pas dans les prochains mois. La décision par le Sénat de rejeter l’amendement autorisant la Lorraine à imposer une écotaxe ouvre sur des lendemains pessimistes.
Quand on connaît la situation actuelle où il n’est pas une journée sans ralentissements ou bouchons depuis le sud lorrain jusqu’à la frontière luxembourgeoise, on peut se montrer inquiet. Car, contrairement à la Lorraine, la communauté européenne d’Alsace, elle, a été autorisée à imposer cette taxe financière.
Ce qui aura, de fait, pour conséquence de transférer une large part de l’actuel trafic rhénan de poids lourds, d’une voie payante (A35) vers une voie gratuite (A31) à partir de 2024. Depuis plusieurs mois, les sénateurs Olivier Jacquin et Jean-Marc Todeschini ferraillent pour convaincre de cette nécessité d’un traitement égalitaire entre les ex-régions. Sans parvenir pour autant à des résultats.
Selon l’unité CRS autoroutière Lorraine-Alsace, on estimait en 2021 la circulation sur le sillon lorrain, (considéré comme la colonne vertébrale nord-sud), à près de «100 000 véhicules par jour dans les deux sens de circulation avec 2,5 personnes par voiture».
Avec, en prime, une très forte présence de camions étrangers sur cet axe européen entre les pays nordiques et du Benelux et les pays du sud, favorisée par l’attrait des tarifs du carburant avantageux au Luxembourg. Les estimations du nombre de poids lourds sur l’A31 oscillent entre 8 000 et 12 000.
90 millions de personnes par an
Tous les indices objectifs sont donc rassemblés pour que le trafic s’allège en nombre en Alsace, et s’alourdisse en Lorraine. Surtout qu’autour de l’A31, les structures de transport sont faibles ou inexistantes : pas de gare d’interconnexion ferroviaire et un aéroport à l’activité moribonde.
Quant aux axes proches ou aux routes secondaires de délestage, ils sont souvent dangereux ou déjà en surrégime. Et pour cause : 90 millions de personnes empruntent grosso modo le sillon lorrain autoroutier.
Dans un rayon autour de Thionville, les travailleurs frontaliers connaissent l’impact quotidien de cette faiblesse. Mais au sud lorrain, les désagréments sont également permanents entre Nancy et Metz. À défaut de trancher dans le vif ou d’engager des travaux d’ampleur, les collectivités ont opté pour des aménagements ponctuels, qui montrent leurs limites. Le refus d’une écotaxe lorraine devrait aggraver encore le constat.
Antoine Petry – Le Républicain Lorrain