Les urgences du CHR Metz-Thionville saturent à nouveau, alors qu’en pleine crise Covid, des solutions avaient semble-t-il permis de soulager ses services. Aujourd’hui le constat est amer : les conditions de travail essorent le personnel, et le manque de lits dans l’hôpital engorge les couloirs du service.
«Les box et les couloirs des urgences sont bondés. Il n’y a plus de places nulle part», constate un médecin urgentiste*. Il est fatigué, épuisé de répéter toujours la même chose. «Il n’y a pas de lits dans l’hôpital pour y envoyer les patients qui entrent.» «Quand on arrive le matin, il reste quinze personnes de la nuit, qui n’ont pas été vues, parce que pas de temps, pas de place, pas assez de monde.» Le personnel médical soupire. Les yeux cernés par la fatigue qui s’accumule depuis des mois. Les soignants sont pompés, desséchés par des espoirs qu’ils ont vu naître pendant la crise sanitaire du mois de mars. Vite aspirés par une réalité économique, pratique, qui ne leur laisse plus d’espoir. Les démissions sont nombreuses. Les désirs de départs sont très contagieux. «J’ai perdu la foi, avoue l’un d’entre eux. On est tous des humanitaires dans l’âme, rien n’a changé après le Covid, il y a beaucoup de départs de médicaux et de paramédicaux dans le service. On ne peut plus travailler comme on le devrait.»
Le test Covid
Pendant la période Covid du printemps qui a fortement impacté le CHR Metz-Thionville, l’activité était particulièrement dense. «On travaillait dur, mais on faisait notre vrai métier, explique un urgentiste. Les patients avaient peur du virus et ne venaient plus pour n’importe quoi. On ne traitait plus que les cas très graves cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux (AVC)… Ce pour quoi on a été formés.» De cette période, les soignants ont attendu beaucoup. «Le service d’accès aux soins (SAS) a été mis en place pour diriger directement les gens dans les services adaptés, sans passer par les urgences quand ce n’est pas nécessaire», rappelle François Braun, président de Samu-Urgence de France (SUdF). «Et ça a fonctionné. L’atout de cette période, c’était aussi la solidarité, les médecins généralistes n’étaient pas débordés et assumaient la médecine de ville dans son ensemble.»
Et maintenant ?
L’image des brancards dans les couloirs resurgit. Le symptôme est général dans tous les hôpitaux de France. « On privilégie le programmé, les patients des urgences passent après les autres, analyse le président de SAMU-Urgences de France. Aujourd’hui, il faudrait retrouver le bon équilibre entre l’activité programmée et les urgences. D’autant plus que les passages dans un service d’urgence, sauf catastrophe, sont stables. On pourrait presque prédire le nombre de lits nécessaires par spécialités.»
Les soignants attendent un Ségur II pour pallier les absences du premier. « Une augmentation de 300 euros», insiste François Braun, tout en rappelant toutefois que les professionnels de santé cherchent une qualité de travail, «veulent être auprès des patients». Des souhaits qui passent inévitablement par l’embauche. Marie-Odile Saillard, directrice générale du CHR Metz-Thionville, avait alerté la représentante du préfet le soir du réveillon en martelant une nouvelle fois que les services d’urgence du CHR relèvent du seuil critique. «50 % des postes d’urgentistes sont vacants» Et ceux qui restent portent les stigmates de l’épuisement. Au détour de l’inventaire, on n’oublie pas que la France se situe à la 26e place sur 28 du classement de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) sur les conditions de travail à l’hôpital.
*Les personnes interviewées ont préféré conserver l’anonymat.