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Ces immigrations méconnues de la sidérurgie et des mines


Le député Antoine Porcu devant l’usine en 1979 : un descendant d’immigrés qui parle à des immigrés et des descendants d’immigrés. (Photo DR/Steve Bingham)

Les membres de l’Association pour la mémoire industrielle de la communauté d’agglomération de Longwy (Amical) ont la tête dans les archives. Ils en ressortent des histoires. Aujourd’hui, celle des vagues d’immigration méconnues dans le Bassin.

« On n’apprendra plus grand-chose sur les Italiens ou les Polonais qui sont arrivés ici pour travailler dans les mines et les usines. Tout a été dit. Mais qu’est-ce que ça faisait à un Sénégalais ou à un Mauritanien, qui représentaient 1% de l’effectif ouvrier total en 1974, de venir dans le Pays-Haut ? » Dominique Da Costa et ses amis chercheurs de l’Amical lancent donc un appel.

Les témoignages manquent, surtout de celles et ceux qui sont venus d’Afrique et ont pour la plupart gardé le silence sur leurs espoirs, mais aussi leurs souffrances. « Ce serait intéressant de pouvoir identifier les différentes nationalités qui ne figurent pas dans les statistiques, afin de les répertorier de manière exhaustive. On sait que de tout temps, ici, les Français occupaient les postes les plus qualifiés, pour effectuer les travaux les plus faciles : cadre, sécurité, contrôle, surveillance, apprentissage, etc. Ils ont toujours constitué une sorte d’élite de la sidérurgie. Claude Prêcheur le montre dans son étude de 1951. Rares étaient ceux qui bossaient à la fabrication, aux hauts-fourneaux, aux aciéries. » Pour les travailleurs étrangers, « et plus encore pour les Algériens et autres Africains », la norme était « aux postes les plus dangereux. Et il ne fallait pas trop compter sur les promotions. »

Des Allemands aussi

Au début de l’aventure sidérurgique dans le bassin de Longwy, on retrouvait beaucoup de personnes originaires des régions surpeuplées de France, « héritières de traditions métallurgiques, comme la Creuse, la Vienne, la Meuse ou la Haute-Saône », mais aussi des Italiens. En 1911, 59% des 126 000 habitants de l’arrondissement de Briey étaient étrangers, dont 64% de Transalpins. « Ça générait des tensions avec la population autochtone. » Serge Bonnet va même jusqu’à dire qu’avant les grandes grèves de 1905, « il y avait plus de grèves anti-italiennes que de mouvements pour d’autres motifs. » Puis viennent les Belges frontaliers, avant un reflux de l’immigration, lié à la crise économique des années 1930, puis un retour en force après la Seconde Guerre mondiale.

Si le Mouvement chrétien des cadres et dirigeants dit des étrangers, et notamment des Italiens, qu’ « ils n’ont pas l’habitude de travailler, sont rétifs à payer leurs pensions et prédisposés à suivre les propagandes extrémistes (communiste notamment) », les mines et usines sont bien heureuses de pouvoir tourner grâce à eux. Mais aussi grâce aux prisonniers de guerre allemands devenus travailleurs libres, une autre des « immigrations » méconnues du bassin de Longwy. « Ils étaient logés à la caserne Ordener à Longwy-Haut, devenue centre d’apprentissage puis le lycée Darche. On travaille actuellement dessus. » Un autre axe de recherches qui occupe les membres de l’Amical…

Sébastien Bonetti (Le Républicain Lorrain)