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« Ce sont des ruines » : en Meuse, des logements désespérément vacants


(Photo : AFP)

Vitres cassées, murs fissurés et boîtes aux lettres condamnées : dans de nombreuses communes de la Meuse, près d’une habitation sur cinq est vide, faisant de ce département rural l’un des plus touchés par la plaie des logements vacants.

Si dans l’ensemble du pays, le manque de logements complique la vie des primo-accédants, dans ce département victime de l’exode rural et de la désindustrialisation, c’est plutôt le syndrome de la maison vide qui domine.

« Ce sont des ruines », souffle Christian Simon, dans sa petite ruelle du centre-ville de Vaucouleurs, commune qui compte moins de 2 000 habitants, contre presque 3 000 dans les années 1960.

L’habitation mitoyenne à celle de ce quinquagénaire est abandonnée depuis des années : « Elle a été achetée puis revendue plusieurs fois. Les gens achètent et laissent tomber quand ils se rendent compte de tous les travaux qu’il faut faire », explique-t-il.

Dans cette ruelle située tout près de l’Hôtel de Ville, au moins trois maisons sont vacantes, selon lui. L’une aurait été rachetée par la commune, comme d’autres bâtisses « invendables ».

Si certains panneaux « À vendre » sont visibles dans le bourg, souvent sur des maisons nécessitant de gros travaux, beaucoup ont des toiles d’araignée sur les fenêtres, du ruban adhésif sur les boîtes aux lettres et des volets cassés. Selon l’Insee, un logement sur cinq était vacant en 2020 à Vaucouleurs.

En 30 années passées dans le bourg, Christian Simon en a observé l’évolution : « Avant, il y avait cinq boulangeries, maintenant il n’en reste qu’une. Et quand son propriétaire va partir en retraite, pas sûr qu’il trouve un repreneur ». Il ne reste plus qu’un café.

« Maisons tristes »

À une dizaine de kilomètres de là, Commercy, 5 800 habitants, conserve un centre-ville dynamique, avec commerces, banques, assurances, cafés ou restaurants. Mais là aussi, on repère des maisons abandonnées.

« Il y en a qui sont vides depuis dix ans » en plein centre-ville, confie une serveuse qui requiert l’anonymat. « Vous tournez la tête partout et vous voyez ces maisons tristes, abandonnées. »

Commercy comptait près de 15% de logements vacants en 2020, selon l’Insee.

« Les gens préfèrent construire ou acheter » en périphérie des maisons « aux normes » et sans travaux, souligne Roland, un habitant qui ne souhaite pas donner son nom.

Il a aussi remarqué la baisse d’habitants au fil du temps, avec la disparition « de la caserne et des forges » de Commercy, bassin d’emploi.

À Saint-Mihiel, 4 000 âmes, le constat est le même : « Ce sont souvent des grosses maisons familiales », souligne Pierre, 61 ans, qui a toujours vécu dans la commune.

Ces logements, souvent situés près de monuments historiques ou classés, sont aussi soumis à « des autorisations, des dérogations, pour faire les travaux », des démarches que son voisin a abandonnées. « Il ne loue pas, il y vient une fois de temps en temps, mais n’en fait rien ».

Dans la Meuse, 12,2% des logements sont vacants, contre 9,4% dans le Grand Est et 8,2% en France, note la Direction départementale des territoires (DDT).

Difficile à endiguer

« La vacance concerne les logements qui ne sont pas efficaces » énergétiquement et mal isolés, estime Rachel Friedrich, agent immobilier du sud meusien. Et si le marché de la vente est « très compliqué » du fait « des taux », dans la Meuse, « on manque de logements » à louer.

Selon la DDT, des aides financières, mais aussi des moyens contraignants comme les taxes sur les logements vacants, sont autant de remèdes possibles. Les collectivités ont également à disposition les données concernant les logements vacants et la possibilité d’entrer en contact avec leurs propriétaires.

Le Conseil départemental abonde, depuis une quinzaine d’années, les aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Il est également membre de l’association « Agir contre le logement vacant », explique Francis Favé, conseiller départemental délégué à l’habitat et maire de Vaucouleurs.

« Il y a une inadéquation entre l’offre et la demande », ces logements « ne correspondent plus aux normes d’aujourd’hui », pour Favé. Il faut ainsi intégrer à la réhabilitation de certains logements une politique de « déconstruction » d’autres maisons, et « d’aération des centres-villes », estime-t-il.

Et si la lutte contre la vacance est cruciale, « il est essentiel de veiller à la qualité des logements occupés », rappelle la DDT.

Quant à l’interdiction prochaine de louer les logements les plus énergivores, elle risque d’augmenter encore cette vacance, prévoit Favé.