Cathy Klein, qui a servi 31 années l’Arnsbourg à Baerenthal, s’en va avec émotion. L’une des plus belles tables françaises est reprise par Fabien Mengus.
Cathy Klein a rendu les clés de l’Arnsbourg, à Baerenthal. Après la fermeture, le soir du 17 avril, elle a continué à œuvrer. « Tout le personnel est resté autour de moi jusqu’à samedi. Nous avons tout rangé, tout nettoyé. » Une page se tourne pour cette grande dame de la gastronomie lorraine.
Elle a passé 31 années à servir l’une des plus belles tables françaises. « J’ai commencé alors que j’étais encore au lycée à Haguenau. Le samedi, mon papa venait me chercher. Je faisais le service, j’avais mon petit tablier, avant de retourner à l’école. »
L’Arnsbourg a été plus qu’un restaurant. Une école. Elle et son frère Jean-Georges Klein, en cuisine, ont formé les plus grands chefs de la région, tous étoilés à leur tour, tels Pascal Bastian du Cheval-Blanc à Lembach, Lutz Janisch du Strasbourg à Bitche, Loïc Villemin du Toya à Faulquemont. Tant d’autres ont glissé l’adresse de cette grande maison nichée dans la forêt aux confins de la Moselle sur leur CV. « Ils sont tous reconnaissants, cela me fait chaud au cœur », confie Cathy Klein.
Précieuse, exigeante, précise, elle a su donner toutes ses lettres de noblesse au service, souvent oublié. Si l’Arnsbourg a atteint les sommets, c’est grâce à Jean-Georges Klein. C’est aussi grâce à elle. « On ne parle que des chefs. Mais sans les acteurs de salle, ils ne peuvent rien faire. Heureusement, autrefois nous n’étions que des porteurs de plateaux, aujourd’hui le métier est valorisé. Il existe un concours de Meilleur ouvrier de France de salle. »
«Je n’en veux pas au Michelin»
Si belle histoire. Mais l’an dernier les inspecteurs du célèbre guide rouge en ont décidé autrement. Au Pays de Bitche, ils ont retiré les trois étoiles. Un coup de grâce. Philippe Labbé, nouveau chef, arrive de Paris dans les pires conditions. « Je comprends mieux, aujourd’hui, la décision du Michelin que je ne l’ai comprise sur le coup, reconnaît Cathy Klein qui a dû avaler la couleuvre. L’acteur que j’ai choisi, un mercenaire, n’était pas le meilleur. Même avec le retour de deux étoiles, il serait parti.
Si les histoires avaient été claires dès le début, cela se serait passé sans doute autrement. Des jeunes qui investissent sont soutenus par les juges. Mais je ne leur en veux pas. Pas du tout. » En réalité, ils ont coulé la maison, sans penser aux conséquences humaines et financières. « Le guide Michelin pourrait évoluer, tranche Cathy Klein. Il traite de la même façon les petits propriétaires, qui bossent jour et nuit, et les puissants investisseurs qui ont des palaces. Il ne fait pas la différence. En France je ne sais pas si nous sommes encore nombreux à être propriétaires de nos établissements. » A Bordeaux, à La Grande Maison qui a fait la une de l’actualité, tout se joue à coup de millions d’euros…
Réouverture en août
Aujourd’hui, l’Arnsbourg, qui ne rouvrira que le 17 août, change de mains. Fabien Mengus, 34 ans, doublement étoilé du Cygne à Gundershoffen, l’a racheté avec son épouse Laure. « C’est un jeune chef. C’est ce qui m’a fait craquer. Il a les pieds sur terre, il est du cru, il est heureux. Je suis persuadé qu’avec sa femme il va rapidement obtenir trois étoiles, comme mon frère et moi. »
Après une dernière année éprouvante, Cathy Klein s’en va. « Je ne sais pas encore ce que je vais faire. Je suis disponible pour mes amis. Mais une chose est sûre, je resterai dans la gastronomie. » Les messages de soutien affluent. « Tout cela me touche. On ne peut effacer comme ça 31 années de sa vie. Je n’ai pas le droit de le dire, mais les larmes coulent. »
Jonathan Breuer (Le Républicain Lorrain)