Accueil | Grande Région | Candidature à l’Unesco : Metz doit prouver qu’elle est unique

Candidature à l’Unesco : Metz doit prouver qu’elle est unique


"Il ne s'agit pas d'amener à l'Unesco une nouvelle cathédrale, fusse une cathédrale exceptionnelle comme la nôtre", explique le maire. (photo RL)

Pour être inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, il ne suffit pas d’être beau: il faut être unique, exceptionnel, et le prouver. Mardi, c’est au tour de la ville de Metz de passer son « grand oral » pour essayer de convaincre le jury onusien.

« Le patrimoine mondial, c’est comme Noé: s’il y en a déjà deux dans l’arche, pas la peine d’en mettre un troisième. L’Unesco n’en veut pas », résume le maire de la ville, Dominique Gros, empruntant sans s’en cacher la métaphore à Joseph Abram, chargé du dossier de Metz.

Pour ce dernier, professeur d’architecture et artisan du classement du Havre au patrimoine mondial, Metz a toutes ses chances. Oui, « on propose quelque chose de très présent sur la liste, un centre-ville européen », reconnaît-il. « Mais on présente cela avec un argumentaire nouveau, qui montre le côté unique ».

De fait, Metz ne joue pas sur l’exceptionnelle cathédrale – 6.500 m2 de vitraux, deux fois plus qu’à Amiens, souligne M. Abram. Ni sur les bords de Moselle, le centre Pompidou de l’architecte japonais Shigeru Ban, ou le Temple neuf, lieu de culte protestant construit sur un îlot. « Il ne s’agit pas d’amener à l’Unesco une nouvelle cathédrale, fusse une cathédrale exceptionnelle comme la nôtre », explique le maire en désignant la façade de l’édifice sur laquelle donne son bureau.

Metz a déjà passé une étape, celle de l’inscription sur la liste indicative. Mais certains, comme la Camargue, y sont depuis plus de 10 ans. Pour en sortir et passer à l’étape supérieure, il faut convaincre le Comité national des biens français du patrimoine mondial, qui donne son avis à l’Etat. Ce dernier choisit ensuite de présenter ou non le bien à l’Unesco.

« Chef-d’œuvre du génie créateur humain »

Pour séduire, le dossier doit remplir au moins un des dix critères établis par l’organisation. La ville estime qu’elle en remplit au moins trois: elle « constitue un chef-d’œuvre du génie créateur humain », elle « témoigne d’un échange d’influences considérable » et elle « offre un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine ».

Le dossier, intitulé « Metz royale et impériale », propose donc une lecture de la ville à travers la confrontation stylistique entre ses deux grands artisans: Louis XV et Guillaume II, le roi français et l’empereur allemand.

« Louis XV a transformé la cité médiévale, avec son réseau serré, en une ville classique, aux espaces lisibles et aérés (..) Guillaume II, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, a reconfiguré la cité en démantelant en partie les aménagements classiques de Blondel, tout en renforçant le caractère médiéval du centre ancien, engendrant ainsi un paysage inédit », peut-on lire dans le dossier.

Outre la dimension architecturale, Metz inscrit sa candidature sous le signe de la réconciliation. Entre protestants et catholiques – la ville comptait de nombreux calvinistes lors de la révocation de l’édit de Nantes – ou entre Français et Allemands après l’annexion.

« C’est une ville avec un passé incroyablement tourmenté. L’annexion, le protestantisme, la révocation de l’édit de Nantes… Il y a, dans le mélange architectural, une sorte de réconciliation avec l’histoire de la ville, qui en fait un très beau dossier sur le plan éthique », explique Joseph Abram.

Metz peut se targuer de nombreux soutiens, un point essentiel pour toute candidature: l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter, le designer Philippe Starck, qui doit y construire un hôtel, ou encore le chanteur Cali.

Dans l’Est, un autre bâtiment espère rejoindre la liste convoitée: la Chapelle Notre-Dame-du-Haut de Ronchamp, l’un des 17 sites de l’architecte Le Corbusier qui demandent leur inscription commune au patrimoine mondial.

Déjà retoquée à deux reprises, la candidature Le Corbusier a été réétudiée pour mieux correspondre aux critères de l’Unesco. Preuve qu’il ne suffit pas d’être beau ou connu pour séduire le jury.

Le Quotidien / AFP