En cette fin de semaine glaciale, le principal sujet de conversation à Folschviller, près de Saint-Avold, n’est pas la météo mais la suppression de 259 postes à la société Neuhauser. Commerçants, salariés, retraités et responsables associatifs se sentent tous concernés. Ils redoutent les répercussions sur la vie économique et sociale de la ville, terre natale de la boulangerie industrielle depuis plus d’un siècle.
«C’est catastrophique ! », ose Patrick Weber, tout jeune retraité de l’entreprise Neuhauser depuis novembre dernier. L’ancien chef de secteur viennoiserie crue au site Furst 1 déplore la nouvelle lui qui a passé les trois quarts de sa carrière à la boulangerie industrielle de Folschviller. « J’ai commencé par un apprentissage en 1971. j’avais 14 ans. C’était les parents d’Alfred Neuhauser qui dirigeaient la société. »
Une époque où les perspectives de carrière avaient encore un sens. « Un salarié embauché avec un niveau d’études faible pouvait faire ses preuves, gravir les échelons et obtenir des postes à responsabilités », assure Jean-Jacques Doyen, directeur d’école à la retraite de Téting-sur-Nied. Lui a bien connu Alfred Neuhauser lorsque jeune marié et instituteur, il occupait un appartement de la famille Neuhauser à Folschviller. « Je n’ai d’ailleurs pas compris pourquoi les héritiers ont cédé l’affaire au groupe Soufflet, il y a deux ans. »
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En 2014, Patricia était alors ouvrière de production à Furst 1 et était confiante pour les huit années qui lui restaient à faire avant sa retraite. Aujourd’hui, c’est le flou total. « Que va-t-il nous arriver ? », s’interroge la quinquagénaire qui est née, a grandi et a fondé un foyer à Folschviller. « Il n’est pas question pour moi d’aller à Maubeuge, encore moins en Roumanie… », jure l’employée en poussant la porte du bureau de tabac Totem de la rue du Château de Furst. Elle y croise d’ailleurs des collègues.
« Les employés Neuhauser représentent le tiers de notre clientèle », calcule Rahma, derrière son comptoir. La suppression de postes à l’usine située à quelques pas de la boutique fait craindre une baisse d’activité. « De moins en moins d’entreprises engendrent forcément de moins en moins de commerces. C’est comme cela qu’une ville meurt à petit feu », analyse Farid, buraliste sur la place depuis plus de vingt ans. Un avis partagé par Christine du café Au bon coin où nombre d’ouvriers de la boulangerie industrielle viennent pour un petit noir ou un tiercé. « La suppression de ces 259 postes va forcément faire boule de neige sur l’économie locale ! ».
Patrick Weber connaît bien la maison pour y avoir été délégué syndical CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) et membre du comité d’entreprise. « Lorsque j’assistais à des réunions du CCE, le comité central d’entreprise, à Paris, je pressentais bien quelque chose dans le discours des dirigeants… ». Mais la mauvaise nouvelle est tombée en ce mois de janvier « et ça ne s’arrêtera pas là… », pressent le retraité.
Le centre social Marcel-Martin de Folschviller est doublement impacté par le coup dur qui frappe aujourd’hui Folschviller et son entreprise phare. « L’époux d’une de nos salariés est directement concerné par ces suppressions de postes chez Neuhauser Village tout comme le président de notre association Audaces’s, Moussa Bouhalloufa », explique le directeur Gaétan Vecchio. Avec « ce choc social », le responsable craint une recrudescence des difficultés sociales et familiales dans un quartier déjà qualifié de « prioritaire ».
« Notre mission essentielle est de soutenir les jeunes, d’aider les familles à sortir de la précarité, faire en sorte que la notion de quartier identitaire ne perdure pas. Cet événement social ne va pas nous y aider. Et puis, si nos bénévoles sont eux aussi impactés, s’ils doivent quitter la région pour trouver un autre poste… comment allons-nous faire pour accompagner les gens quand nous-mêmes sommes dans cette même situation ? ». La pénurie d’emploi dans la région aura un impact sur le commerce local. « Comment allons-nous approvisionner l’épicerie sociale si les supermarchés se font rares ? », donne aussi en exemple Gaétan Vecchio.