Aux yeux de Bernard Aubin, ancien cheminot investi depuis des lustres pour la création d’une ligne ferroviaire Sar-Lor-lux, le cheval de fer n’a rien d’un serpent de mer. La Région Grand Est vient de lancer une étude pour en savoir plus sur la pertinence du projet, sur une ligne ralliant la Sarre au Luxembourg via Béning et Creutzwald, mais pas Bouzonville.
Vingt-six ans qu’il a lancé l’idée afin de maintenir en activité la gare de Bouzonville et faire de la ville une étape clé sur le tracé entre Sarrebruck et Luxembourg. Autant dire une éternité, quand on sait à quel point cette ligne pourrait être utile pour des milliers de voyageurs et travailleurs frontaliers à l’année. Et pas seulement parce que rallier la ville pôle du Land de Sarre à la capitale luxembourgeoise nécessite de passer par Metz et Thionville en train.
Dès le départ, l’idée de Bernard Aubin était la création d’une desserte Sar-Lor-Lux incluant le tronçon Dillingen-Bouzonville, fut-ce une voie unique, désormais utilisé une fois par an lors de la grande braderie du Vendredi saint. «Un projet qui a récolté le soutien de nombreuses communes allemandes et françaises situées sur l’itinéraire», fait savoir l’intéressé.
Le premier atout du projet étant de desservir deux grands bassins d’emploi transfrontaliers du côté allemand et grand-ducal. En juin dernier, la Région Grand Est planchait sur le dossier, votant une étude pour examiner la faisabilité.
«Si je ne peux que me réjouir du premier pas accordé par l’autorité organisatrice (le réseau ferroviaire est de la compétence de la Région, N.D.L.R.), je reste cependant circonspect car je crains que l’itinéraire envisagé ne soit pas celui soutenu par les défenseurs historiques du projet. Tout n’est pas perdu, mais la vigilance s’impose», admet cet ancien de la SNCF, à l’affût du moindre signe et d’un vent qui serait enfin favorable.
Déception
La Région Grand Est (et celle de Lorraine avant elle) avait marqué son opposition au projet, et la gare de Bouzonville a fermé pour de bon en 2018. Cette même collectivité vient de lancer une étude en lien avec cette ligne.
Hic de taille : «L’itinéraire écarte le trajet entre Dillingen et Bouzonville et ne permettra pas la réactivation de cette petite gare, pas si petite que ça en fait», espérée, outre les initiateurs du projet, par l’entrepreneur allemand Jörg Michael Fries, patron de la société sarroise Bahnlog, qui souhaite implanter en Moselle une plate-forme logistique de fret «pour y recevoir entre autres des conteneurs provenant du port de Rotterdam», souligne Bernard Aubin.
Quatre hypothèses présentées en 1998
L’étude en question viserait un itinéraire comprenant Béning, Hargarten-aux-Mines, Creutzwald, Kédange-sur-Canner et Yutz. La colère se fait jour du côté des défenseurs du tracé via Dillingen et Bouzonville, tout comme «chez les élus allemands des villes situées sur la voie unique et le soutien de trois maires successifs de Bouzonville qui avaient, durant vingt-cinq ans, mouillé leur chemise pour défendre une relation dont ils ne bénéficieront pas comme attendu». Le projet était même encouragé par le président du conseil départemental de la Moselle, Patrick Weiten, dès 2019.
À la question de savoir s’il faut s’opposer à cette étude (d’un coût de 96 000 €), l’ex-cheminot, qui connaît bien la gare de Bouzonville, répond par la négative. «Pour une raison simple, cet itinéraire avait lui-même été évoqué dans le cadre de quatre hypothèses présentées en 1998, sauf qu’à l’époque, l’idée était de donner correspondance à Bouzonville aux trains en provenance de Dillingen, des trains qui existent déjà, mais s’arrêtent à la frontière, à 7 kilomètres de Bouzonville».