Certaines communes de Cœur du Pays Haut ont deux fois plus de logements vides que la moyenne nationale. À l’opposé, le prix du mètre carré avoisine celui de la banlieue parisienne. Un paradoxe ? Pas forcément. On décrypte avec Daniel Matergia, président de l’interco.
Malavillers, Joudreville et Bouligny : le trio où le taux de vacance explose les statistiques. Jusqu’à 17,8 % pour la commune meusienne selon la dernière publication de l’Insee de ce début d’année. À l’opposé, la toute petite commune de Bréhain-la-Ville affiche presque complet, avec 4,3 % de logements vacants, soit moins de dix habitations vides dans le village. Pourquoi est-elle si prisée ? La proximité de la localité avec le Luxembourg, tout juste 13 km d’Esch-sur-Alzette, qui séduit les transfrontaliers. Ces derniers représentent « 40 à 45 % des habitants », selon Daniel Matergia, président de la Communauté de communes Cœur du Pays-Haut.
Loin du Lux’, mauvaise stat’
Affirmer qu’une localité est moins attractive du fait de son éloignement de la frontière n’est que partiellement vrai. Par exemple, Preutin-Higny a moitié moins de logements vides que Malavillers, pourtant 6 km plus proche du Luxembourg. C’est en revanche vrai pour Bouligny ou Joudreville, situées à plus de 30 km du Grand-Duché. « Ces logements vacants sont majoritairement situés dans les quartiers miniers. Les habitations n’ont plus la typologie recherchée, et ce sont souvent des passoires thermiques, vétustes.
Les accédants à la propriété préfèrent s’orienter vers du neuf plutôt que sur de lourds travaux de réhabilitation. D’où le succès des lotissements », pose Daniel Matergia. « Il y a aussi une part importante de succession en indivision. Autrement dit, les héritiers ne sont pas d’accord sur le prix du bien, ce qui rend la vente impossible. » L’activité du service Urbanisme de la com’com’ témoigne d’une nouvelle dynamique au sud-ouest de son territoire. « Les premières ceintures du Luxembourg sont quasi saturées, disons jusqu’à Trieux. Aujourd’hui, nous enregistrons une augmentation des demandes de rénovation, d’isolation ou de pose de panneaux solaires, sur le secteur de Landres et Piennes. Il y a dix ans, nous n’en avions pas. C’est la preuve que la ceinture avance.»
Demain, du neuf dans l’ancien
Nombreux sont les lotissements de moins de dix ans sur le territoire. Exemple frappant à Trieux, qui enregistre un tiers de plus de nouveaux logements entre 2010 et 2021. « Les lotisseurs ont mis un gros coup d’accélérateur ces dernières années », confirme Daniel Matergia. Sur la commune de Sancy, le prix du mètre carré d’un terrain viabilisé a doublé en cinq ans. « Il faut désormais compter entre 18 000 et 20 000 € pour un are. »
La loi ZAN, pour Zéro artificialisation nette, va cependant mettre un gros coup de frein à cette expansion, en limitant la consommation de foncier. « Il faut s’attendre à une mutation du métier de lotisseur. Sans terrain nu, ils se tourneront vers la réhabilitation de l’ancien ou sa démolition puis reconstruction. » Il faudra toutefois prendre en compte le Plan de prévention des risques miniers qui, selon le zonage, peut limiter les transformations de logement. « Au vu de la dynamique sur notre territoire, nous sommes plutôt confiants. Les taux de vacance vont s’améliorer. »
Spéculation immobilière et marchands de sommeil
Revers n°1 d’avoir 45 % de travailleurs luxembourgeois sur le territoire, le marché immobilier atteint des sommets. Exemple ? 1 200 €/mois pour 70 m² à Bréhain ou 820 € pour 30 m² à Audun-le-Roman. « La population qui travaille sur le territoire a du mal à se loger. Et nous avons une vraie carence en logements sociaux sur le territoire », affirme Daniel Matergia. « On voit apparaître des marchands de sommeils , des investisseurs qui profitent de la saturation du marché locatif pour louer à prix d’or des logements vétustes. Des locataires se retrouvent dans des conditions innommables parce qu’ils n’ont pas le choix. »
La communauté de communes réfléchit à des outils de maîtrise de l’habitat. « Une Opération programmée de l’amélioration de l’habitat en cours. On réfléchit à la taxe sur les logements vides et à l’instauration du permis de louer, pour lutter contre les marchands de sommeil. Au départ d’un locataire, le propriétaire doit demander l’autorisation de relouer son bien à la mairie. »
Enfin, pourquoi les collectivités ne préemptent-elles pas, pour reprendre la main sur le marché ? « Il faudrait des budgets colossaux pour préempter sur les ventes et mener à bien les réhabilitations nécessaires. »