L’impatience a cédé aux craintes au parc animalier de Sainte-Croix, à Rhodes. Le directeur Pierre Singer évoque de formidables solidarités nées depuis le début du confinement et veut en tirer les leçons. Le tourisme de proximité sera un acteur essentiel de la reprise en Moselle-Sud et dans le Grand Est.
Pierre Singer : C’était la sidération tant c’était inattendu. Nous devions fêter le 40e anniversaire du parc au sortir de trois très belles années et d’ importants investissements appréciés du public. Nous avions un ciel sans nuage et voilà que tombe la foudre ! Le sentiment a été de se retrouver face à quelque chose de violent, de brusque. Nous n’étions pas préparés à ça.
Le coronavirus aurait une origine animale. Est-ce de nature à créer une crainte vis-à-vis des animaux ?
Ces maladies proviennent surtout d’animaux élevés en batterie. Cela remet en cause l’élevage industriel. Nous ne sommes pas concernés. Nos animaux sont là, en bonne santé. Mais le parc ressemble à une ville fantôme, tout comme l’est un centre touristique comme celui d’Amnéville.
Privé de visiteurs, le parc est aussi privé de ses ressources alors que le personnel animalier continue de travailler. Comment appréhender l’avenir dans ces conditions ?
Il faut garder son sang-froid et se battre. Nous étions en train de proposer un nouveau plan d’investissement, dont une partie concerne des éléments structurels, une remise à niveau des installations. Mais l’urgence est à la survie immédiate et cela passe par une réouverture ! Beaucoup de scénarios sont envisageables mais chaque jour qui passe, ça devient plus compliqué. Et même si on peut rouvrir, est-ce que le public se sentira rassuré et aura envie de venir ? En Allemagne, les sites touristiques rouvrent progressivement mais il y a moitié moins de fréquentation… Selon la loi de Murphy, si on peut ouvrir en juin, il pleuvra les quatre week-ends ! Pour l’hébergement, c’est un coup de frein. Comment les gens pourraient réserver sans pouvoir se projeter ?
Toute la filière du tourisme appelle à l’aide. Comment le parc de Sainte-Croix, n° 1 en France des zoos et parcs animaliers pour le public en 2019, est-il soutenu ?
Alors là, je dis vive la France ! Ça a tenu bon, une solidarité est née et nous avons eu le soutien du Département, de la Région et de l’État. Tout le monde a travaillé ensemble et ce qui ne pouvait pas se faire depuis des années, on a réussi à le faire en quelques jours ! Au départ, tout le monde a eu peur, même au niveau du personnel. Mais quand on voit les solidarités, à un moment il faut aussi voir les aspects positifs. En fait, cette pandémie révèle ce que nous savions déjà : notre société est inégalitaire, ce qui fait qu’elle n’est pas très armée pour affronter les crises. Concernant le tourisme et l’agroalimentaire, on voyait bien une lame de fond arriver, avec un retour vers le slow tourisme, plus responsable, plus durable, plus sain et de proximité.
Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ?
On parle de relocaliser les activités et dans le tourisme, il y a beaucoup à faire, pour l’hébergement, l’hôtellerie, les sites. Ce sont des activités solvables. Quand on voit les sites parisiens qui tournent avec 30 % d’Asiatiques, ils ne sont pas solvables ! Nous, à quatre heures de route, on a douze millions d’habitants. Nous serons les premiers à redémarrer avec les destinations de proximité. Donc à court terme, je ne suis pas très inquiet. Maintenant, il faudra exercer les pressions pour que ça évolue. Le tourisme, c’est 10 % du PIB mais c’est une filière atomisée dans le Grand Est, il n’y a pas de géant. Il faut que la gouvernance des structures soit partagée avec les professionnels. L’ère est à l’efficacité et à l’optimisation. On veut un plan de relance et un ministre du Tourisme !
Pour le moment, le Grand Est est classé en rouge. La fin du confinement s’éloigne. Quel est le sentiment qui prédomine ?
C’est l’impatience ! Les gens ont besoin de se reconnecter à la nature. Nous sommes des marchands de bonheur avec une valeur ajoutée. Donc oui, plus impatients de retrouver les visiteurs que sur l’aspect économique, car c’est ça notre ADN depuis quarante ans. C’est l’époque des naissances et la végétation est au top. C’est une frustration terrible de ne pas pouvoir partager cela.