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Assassinat de Woippy : dix-huit ans de réclusion


Ahmet Secen n’a rien avoué, ni expliqué, au grand désespoir de la famille Mallinger. (Photo : Archives RL)

La défense a nié jusqu’au bout ce que la procédure et le procès avaient mis en lumière. Ahmet Secen a été condamné vendredi à dix-huit ans de prison pour la mort de Chanel Mallinger en 2013. La préméditation a été retenue.

Ce ne fut qu’un long cri étouffé se perdant dans la nuit messine. Silencieuse durant le procès, la famille de l’accusé, digne, a fini par lâcher prise vendredi soir. Et sangloter. Le président de la cour d’assises venait d’annoncer le verdict, une peine envoyant Ahmet Secen en prison pour les dix-huit prochaines années, quand les proches du quadragénaire ont déversé leur tristesse.

L’image tranche avec le soulagement des parties civiles qui ont vécu une semaine de procès pénible. Pénible parce qu’il n’a pas été facile d’apprendre des choses sur la vie de Chanel Mallinger « le séducteur », de voir des images de son corps lardé de 42 coups de couteau et abandonné dans sa voiture, à Woippy un soir de décembre 2013. Elles ont aussi été heurtées par l’attitude de la défense. Agressive à travers le spécialiste du genre, Me Eric Dupond-Moretti. Et faite de déni chez l’accusé.

« On aurait aimé avoir des explications. La famille Mallinger aurait voulu, au moment où Ahmet Secen est démasqué, qu’il dise autre chose que ses invraisemblances. La famille aurait aimé qu’il avoue, qu’il dise « oui, je l’ai tué. Pour laver mon honneur. Ou par passion. Je l’ai tué lui. Mais pas Malika ma femme qui me trompait, parce que je l’aimais ». » Les demandes de Me Dominique Rondu n’ont pas franchi le plexiglas du box d’Ahmet Secen, pas perturbé par les éléments à charge assenés jour après jour par l’accusation et les parties civiles.

Des traces d’ADN

Pourquoi Ahmet Secen plus qu’un autre mari trompé, après tout ? « Il avait un mobile puisqu’il connaissait la relation extraconjugale de sa femme, et pas d’alibi qui tienne », énumère Me Aurélie Muller, avocate de la compagne de la victime. On a aussi tous les éléments qui décrivent un guet-apens. Une phrase du frère de l’accusé, lancée devant la police après les faits, est éloquente : « Dans la vie, il faut un gagnant et un perdant. » L’avocat général, Jean-Yves Goueffon, y discerne « l’oraison funèbre composée pour Chanel Mallinger. »

Au cours de ce procès, il a fallu jongler avec des témoignages indirects, des témoins à la mémoire courte. Mais aussi des éléments techniques. Clairs. « Oui, sans l’ADN, il n’y a pas de procès », grommelle l’avocat de la défense. Les traces génétiques ont été retrouvées en quantité sur l’appuie-tête de la voiture de Chanel Mallinger dans laquelle il a été massacré.

Selon les experts, elles ne peuvent avoir été apportées là que par l’accusé. Eric Dupond-Moretti ne s’y est pas trompé et a évité de s’attarder trop sur le sujet…

Crime passionnel

Pour mieux critiquer une affaire « dont on ne sait rien, ose-t-il. J’envie ceux qui savent. Si vous regardiez cet homme cinq minutes en le pensant présumé innocent, vous verriez ce dossier autrement. » Il n’a pas fait que critiquer. Evoluant sur une corde raide, il a aussi invité les jurés à s’interroger sur le contexte de ce crime. « Je ne sais pas s’il l’a fait. Mais si vous retenez la culpabilité de mon client, imaginez un instant ce qu’il a vécu. Dans l’hypothèse où il savait, il a donc vu les messages échangés entre sa femme et son amant. Il a vu son sexe en érection ? C’est ça ? Et cela fait quelle émotion ? » Le ténor plaide le crime passionnel. Mais aussi l’honneur dans un clan turc « qui l’a forcément poussé. Il faut le prendre en considération. Ni le crime passionnel ni le crime d’honneur ne valent vingt ans de prison comme demandés par l’avocat général. »

Condamné à 18 ans de réclusion criminelle, Ahmet Secen est reparti en prison après plus de cinq heures de délibéré.

Kevin Grethen (Le Républicain Lorrain)