De retour en Moselle, l’ex-ministre de l’Economie enfonce le clou des divergences qui l’ont opposé à l’exécutif sur le dossier Florange. Des « erreurs » qu’il souhaite voir éviter dans la reprise des chantiers de Saint-Nazaire.
Votre retour dans la Fensch ne va-t-il pas raviver des souvenirs douloureux ? Emblématique du bilan de ce quinquennat, l’échec de Florange n’est-il pas aussi le vôtre ?
Arnaud Montebourg : « Ma proposition de nationalisation avait recueilli un consensus républicain, de gauche à droite… Même le FN était d’accord. Un consensus brisé par le Président et le Premier ministre. Ce qui fut une erreur en raison du comportement de l’actionnaire Mittal vis-à-vis de l’Etat. Il avait déjà mené Nicolas Sarkozy par le bout du nez et recommençait avec François Hollande. Aujourd’hui la Nation a une dette vis-à-vis de la Lorraine.
L’acier français est très attaqué par le dumping asiatique, et les mesures douanières de l’UE ne sont pas au niveau. Les taxes sont très faibles comparativement à celles des Américains. On voit bien que les mécanismes de protection ne fonctionnent pas. Nous devons faire de l’acier un enjeu stratégique pour le pays. »
Le chef de l’Etat est attendu dans les prochains jours sur le site de la plateforme publique de recherche Métafensch. Les mesures de compensation ont-elles été à la hauteur ?
« Quand on abandonne les derniers hauts fourneaux de la filière liquide en Lorraine, on ne peut pas présenter ça comme une victoire. Quant aux investissements sur la filière froide, ils devaient avoir lieu. Enfin, reclasser 629 salariés relève de l’obligation légale pour un groupe de 22 000 personnes. En Moselle, je serai à l’écoute de ce que me diront les syndicalistes sur l’avenir du site. Après les événements de 2012, je ne pouvais pas, ne pas revenir à Florange. »
Et la loi dite Florange contraignant à la recherche d’un repreneur. Est-elle efficiente ?
« Je ne sais pas si elle a fait l’objet de mises en œuvre, or, l’efficience d’une loi se construit avec le temps. On mesurera alors son utilité ou s’il convient de la muscler. Le rôle de l’Etat doit être de soutenir l’industrie, au besoin de prendre des parts au capital des grandes entreprises ou d’assurer le maintien des centres de décision en France.
J’ai laissé sur le bureau du ministre de l’Economie un décret – décret Montebourg du 14 mai 2014 – qui, comme ce fut le cas dans l’affaire Alstom, permet de bloquer toute prise de contrôle de nos secteurs stratégiques par des investisseurs étrangers.
Le gouvernement serait bien inspiré d’en faire usage dans le dossier de reprise des chantiers navals de Saint-Nazaire, afin de déjouer la menace chinoise. J’aurais également aimé qu’il en fît usage dans le dossier Technip. Cette entreprise cotée au Cac 40, qui réalise 10 Mds€ de CA, vient d’être rachetée par les Américains et son siège social transféré en Angleterre dans le silence le plus total. Pourquoi le ministre de l’Economie n’a-t-il pas bloqué un tel rachat ? Les outils existent, il faudrait s’en servir. »