Ouvert en 2019 à Mulhouse, le restaurant Un petit truc en plus, dont cinq salariés sont atteints de trisomie 21, ne désemplit pas. Un succès qui porte à deux le nombre de points en commun avec la comédie d’Artus.
Midi approche, les clients ne vont pas tarder à arriver et la pression monte doucement pour les quatre équipiers, Antoine, Tristan, Juline et Salima, tous porteurs d’une trisomie 21. Épaulés par trois bénévoles, les deux premiers s’affairent en cuisine, les deux autres s’occupent de la salle et de la terrasse. Aurélie Bernard, la cheffe, met le tout en musique : «Allez, on y va! D’abord, les apéritifs, ensuite, il y a des soupes, une salade et une quiche. On va trier les pousses d’épinards. Antoine, une cuillère!».
Charlotte sur la tête, chemise noire et tablier, les commis sont impeccables. Antoine a «préparé des haricots verts», «lavé les tables» et «passé le balai». Tristan, lui, a «fait des salades». Il faut «être sérieux dans le travail», professe celui dont le péché mignon consiste à «faire les bières». Les premiers plats sont prêts, la sonnette tinte. Juline et Salima s’emparent alors des assiettes, direction la terrasse. «Je vais servir les clients dans la joie et le bonheur. J’aime trop travailler ici!», s’enthousiasme Juline, 27 ans.
«On refuse régulièrement du monde»
Ouvert bien avant le film d’Artus qui cartonne au box-office et porte (presque) le même nom, le restaurant inclusif Un petit truc en plus se taille un beau succès à Mulhouse, où ses plats et la fraîcheur de ses salariés en situation de handicap régalent les clients. Soleil aidant, la terrasse, nichée sur une place tranquille à l’ombre d’un grand arbre, se remplit rapidement. «On refuse régulièrement du monde», explique Tom Cardoso, 51 ans, directeur général du Centre de réadaptation de Mulhouse (CRM) et cofondateur du restaurant avec Aurélie Bernard.
L’idée a d’abord germé fin 2017 dans l’esprit de la cheffe, après avoir vu un reportage sur un restaurant inclusif à Nantes, explique celle qui était alors responsable de la restauration au CRM. «Quand j’ai vu toutes les émotions qui passaient, les clients qui étaient vraiment bienveillants, je me suis dit que ce serait très chouette qu’on fasse ça chez nous», explique Aurélie Bernard, 41 ans.
Le restaurant, baptisé Un petit truc en plus (clin d’œil au chromosome surnuméraire responsable de la trisomie 21), ouvre ses portes en septembre 2019 : 36 couverts servis uniquement le midi, du lundi au samedi (l’établissement organise aussi des soirées privatives), avec une carte simple, mais composée «de plats faits maison», mitonnés avec des «produits de qualité», détaille Tom Cardoso.
Ils sont sans filtre, c’est spontané : ça fait un bien fou, vraiment!
Dans un coin de la terrasse, Karine Bechler savoure un verre de vin blanc. «Je viens régulièrement. C’est bon, c’est sympathique, c’est agréable», explique, lunettes de soleil sur le nez, cette Mulhousienne de 64 ans. C’est «très important» que des lieux comme celui-ci existent, «ça fait de l’inclusion dans la société». Au total, le restaurant emploie à temps partiel cinq salariés porteurs d’une trisomie 21, appuyés par plusieurs bénévoles, dont Martine Grosz. Cette retraitée de 66 ans loue les qualités relationnelles de ses «équipiers» : «Ils sont sans filtre, c’est spontané : ça fait un bien fou, vraiment».
Le succès du restaurant, immédiat, ne s’est jamais démenti. Il a même accueilli il y a quelques jours le gynécologue congolais Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, de passage à Mulhouse. Pour autant, l’établissement, qui a traversé la crise du Covid-19 et la hausse des coûts de l’énergie sans augmenter ses prix, «n’est pas à l’équilibre», confie Tom Cardoso. Les mécènes contribuent à renflouer les caisses, mais, dans l’idéal, de nouveaux bienfaiteurs seraient les bienvenus, glisse-t-il.
Ces dernières semaines, l’équipe a regardé d’un œil amusé l’énorme succès en salles du film d’Artus, Un p’tit truc en plus, qui met en scène des personnes en situation de handicap. Le film «est génial mais malpoli : il y a des gros mots!», rougit Antoine. Tom Cardoso a tenté à plusieurs reprises de contacter l’équipe du film, en vain. «Un petit clin d’œil, ce serait sympa», sourit Aurélie Bernard, qui aimerait bien «une rencontre ou même un échange». «Comme ça, ils pourront nous dire pourquoi ils ont choisi ce nom pour ce film!»