Que reste-t-il à Jean Toniolo et Christophe Trépaut de l’agression homophobe subie le 18 décembre dernier à Metz ? De la souffrance, des difficultés à reprendre pied. Et un fort ressentiment : l’auteur principal court toujours.
Quelque chose a changé chez lui. Dans le regard de Christophe Trépaut se lit une souffrance sourde. À moins que cela soit de la terreur. Les deux, peut-être. Depuis l’agression homophobe dont il a été victime avec son ami Jean Toniolo, le 18 décembre 2016 entre le palais de justice de Metz et une discothèque appréciée par la communauté gay, le quadragénaire vit quasiment reclus dans leur maison d’Homécourt. Il fuit les gens, le bruit, la société.
« Tout me fait penser à l’agression. Je ne peux plus croiser quelqu’un avec une capuche sur la tête, par exemple. C’est dur… », souffle-t-il. Dur de se reconstruire après avoir été frappé au sol par cinq individus. Dur de ne pas sortir des problèmes de santé après avoir été polyfracturé. Dur aussi de savoir que son principal agresseur se trouve toujours dans la nature.
Christophe Trépaut se sent piégé, pris dans un cercle infernal. Il va mal parce que l’affaire judiciaire n’avance pas comme il le souhaite. Il va mal parce qu’il ne peut pas travailler et reprendre son activité dans son salon de coiffure. Mais puisqu’il va mal, comment imaginer retravailler… « J’ai dû être réopéré de la cloison nasale après une première opération ratée. Tant que ce n’est pas consolidé, je ne peux pas respirer un certain nombre de produits comme l’ammoniaque… » Il espère revenir dans son salon début juin. Jean Toniolo, élu à la mairie locale, sera officiellement de retour au bureau dans quelques jours aussi. Leurs maux sont aujourd’hui psychologiques.
« L’interpellation du 5e homme m’apaiserait »
« Je n’ai pas le choix, il faut que je retourne au salon, confie l’artisan. Il y va de sa survie. » De la sienne, un peu aussi. Son compagnon le croit : « Cela va lui faire du bien, c’est sûr. Il faut qu’il, que l’on reparte de l’avant. »
Apprendre l’arrestation de l’homme qui s’est jeté sur lui serait la meilleure thérapie. « Quatre personnes ont été interpellées début janvier, deux sont en prison mais il manque le principal. » L’individu est un coutumier des longues mises au vert. « J’en ai besoin, assure Christophe Trépaut. Ça sera le moyen de tourner la page et de penser à autre chose. Je crois que c’est la seule chose qui m’apaiserait. »
Mais l’enquête n’avance pas. Les victimes n’ont plus aucune nouvelle de la juge d’instruction. Les griefs sont multiples : « Nous avons l’impression que tout n’est pas fait pour retrouver la personne recherchée », critique leur avocat, Me Xavier Iochum. « Et puis, on a une victime principale pour laquelle ont été demandées des expertises médicales. Elles n’ont pas été notifiées et ça la fragilise, ça fragilise son activité car cela empêche toute indemnisation. Ce n’est pas normal. » Jean Toniolo et Christophe Trépaut découvrent l’envers du décor. Ils fatiguent. « Mieux vaut ne jamais être victime… »
Kevin Grethen (Le Républicain Lorrain)