Son témoignage est l’une des clefs du mystère de l’affaire Grégory en France: Murielle Bolle est confrontée vendredi à un cousin dont les révélations ont donné un nouveau tour à l’enquête plus de 30 ans après les faits.
Cet homme de 54 ans qui s’est confié récemment aux enquêteurs pour la première fois, assure que Mme Bolle, 15 ans à l’époque des faits, a subi des violences familiales, la poussant à revenir sur son témoignage accablant son beau-frère Bernard Laroche pour le rapt du petit Gregory, retrouvé mort le 16 octobre 1984. Ces violences se seraient déroulées au soir du 5 novembre de cette année-là, une journée capitale dans ce dossier devenu l’un des plus grands fiascos de l’histoire judiciaire française. A l’époque, l’adolescente d’abord hésitante vient de dire aux gendarmes qu’elle était dans la voiture de son beau-frère, passé prendre Grégory le 16 octobre 1984, jour de sa mort, avant de le déposer, pensait-elle, chez des amis des parents de l’enfant.
Le 5 novembre, Murielle Bolle répète ces déclarations devant le juge d’instruction, qui décide en conséquence d’inculper et d’écrouer Laroche. Mais le lendemain, après une nuit en famille, accompagnée de sa mère, elle revient sur son témoignage, disant avoir parlé sous la contrainte des gendarmes. Cette rétractation éclair est au cœur des investigations. Le cousin de Murielle Bolle affirme qu’il était présent lors de cette fameuse soirée du 5. Il décrit aux gendarmes «une scène insoutenable», un «lynchage» de la jeune fille qui «a pris énormément de gifles par les membres de sa famille», selon des extraits de procès verbaux d’audition publiés par Le Monde.
Confidences
Si les enquêteurs considéraient déjà comme «établi» que Murielle Bolle avait été «malmenée» par sa famille, le cousin ajoute avoir reçu ce soir-là ses confidences: elle lui aurait avoué avoir assisté à l’enlèvement.
Murielle Bolle, 48 ans aujourd’hui, a été inculpée fin juin pour enlèvement suivi de mort et placée en détention provisoire. Mais elle a maintenu jusqu’ici sa version des faits: elle n’était pas dans la voiture de Laroche et n’a subi aucune violence de la part de sa famille. Le témoin, décrit comme ayant une santé fragile, dit avoir décidé de parler après l’arrestation de Marcel et Jacqueline Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory, mi-juin. Soupçonnés d’être les «corbeaux» de l’affaire, ils sont inculpés pour enlèvement et séquestration suivie de mort.
Vendredi, dans le bureau de la présidente de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon (est de la France), Claire Barbier, ce nouveau témoin va devoir répondre aux avocats de Mme Bolle, qui disent avoir des «arguments solides pour faire vaciller» sa déposition. L’une des questions sera notamment la présence sur les lieux d’un avocat, Paul Prompt, aujourd’hui décédé. Le parent de Murielle Bolle jure l’avoir vu ce soir-là. Les avocats de sa cousine affirment pouvoir démontrer qu’il ne pouvait être présent.
« Talon d’Achille »
Me Jean-Christophe Tymoczko, l’avocat du cousin, reconnaît que ce point «sera âprement discuté» et que c’est «le talon d’Achille» de la déposition de son client, qui compte cependant rappeler à Murielle Bolle «certains points indiscutables». «Il attend impatiemment de pouvoir s’exprimer» et espère «bouger la sensibilité de Murielle, pour qu’elle admette qu’il n’est pas un menteur», a-t-il expliqué. Me Tymoczko devra cependant attendre son client à l’extérieur, car ce dernier est entendu comme simple témoin.
Me Stéphane Giuranna, l’avocat de Marcel Jacob, et Me Thierry Moser, l’avocat des époux Villemin, avaient par ailleurs demandé à être présents, une requête rejetée, a-t-on appris de source judiciaire. Dans son arrêt de 1993 innocentant Christine Villemin, la mère de Grégory, la cour d’appel de Dijon avait écarté toute «intention criminelle» de Murielle Bolle quand bien même elle aurait «facilité» l’enlèvement en accompagnant son beau-frère, estimant «impossible» de l’inculper en l’état». En discréditant le témoignage de son cousin, les avocats de Murielle Bolle veulent faire un pas vers sa mise hors de cause, avant de plaider sa remise en liberté sous contrôle judiciaire, le 4 août.
Elle est incarcérée depuis le 29 juin.
Le Quotidien/AFP