Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Mady Thuillier, la présidente de la communauté Emmaüs à Peltre est abasourdie par les accusations de violences sexuelles proférées à l’encontre de l’abbé Pierre.
«Je suis sur le cul ! (sic)», n’hésite pas à balancer Mady Thuillier, la présidente de la communauté Emmaüs à Peltre, près de Metz. «C’est un véritable tsunami, une triste nouvelle», poursuit la bénévole de 66 ans. «Concernant ces accusations (NDLR : d’agressions sexuelles), j’ai envie de ne pas y croire, mais…»
Celle qui a intégré les rangs d’Emmaüs voilà cinq ans préfère retenir «les belles actions» de l’abbé Pierre. «Il a arraché de nombreuses personnes de la rue. Il a permis à des enfants d’être avec leurs mamans. C’est lui qui a secoué les politiques, à l’époque, en leur disant que des gens mouraient dans la rue. N’oublions pas l’hiver 1954.» Le célèbre appel du 1er février 1954, où le fondateur d’Emmaüs lançait sur les ondes son appel à la solidarité. «Le 1er février 2024, nous avons d’ailleurs commémoré ce moment à Metz», rappelle Mady Thuiller. Ce jour-là, il y a moins de six mois, de la soupe avait été offerte et les bénévoles avaient sensibilisé les passants à leur cause.
«La pauvreté gagne du terrain»
D’ailleurs, en dépit de la tempête qui vient de se déclencher, la responsable locale ne compte pas abandonner le navire. «Je vais rester au sein de la communauté : chaque semaine, le samedi, nous organisons une maraude place de la Gare à Metz. Des familles entières viennent. Il y en a d’ailleurs davantage aujourd’hui. La pauvreté continue de gagner du terrain…»
Encore sous le choc de ces révélations, Mady Thuillier annonce : «Une réunion d’information à destination des compagnons de notre communauté (NDLR : ils sont 42 à Peltre) aura lieu ce jeudi 18 juillet. Ils pourront s’exprimer librement, partager leur ressenti et poser des questions. Ils ont besoin de repères. Pour eux, la communauté Emmaüs est une grande famille où l’on peut partager ses émotions.» Un rendez-vous qui devrait se tenir à l’abri des regards.
« Un énorme choc » pour Jean-Marie Kiffer, l’ex-président de la communauté Emmaüs à Peltre
«C’est un énorme choc pour nous !», livre Jean-Marie Kiffer, l’ancien président de la communauté Emmaüs à Peltre, dans la région de Metz. «Nous sommes abasourdis, mais ces révélations n’enlèvent rien à la qualité du travail effectué par l’abbé Pierre durant toutes ces années», poursuit cet ex-directeur d’école, qui a présidé aux destinées de la communauté locale durant six ans.
«Son œuvre reste entière», appuie le septuagénaire. Lequel, en dépit des accusations, va rester administrateur au sein de la structure de Peltre. «La solidarité reste la valeur fondamentale du mouvement Emmaüs.» Le bénévole insiste sur la nécessité de faire «le distinguo» entre «les valeurs qui animent le mouvement» et son fondateur. «Le “personnage”, c’est autre chose…»
Les accusations contre l’abbé Pierre n’ébranlent pas l’engagement des bénévoles d’Emmaüs Thionville. (photo Le RL/Thibaut Heberlé)
«On savait déjà, on a été prévenu « en avant-première » à midi», assure une bénévole sur place. «La communication a été faite [par les institutions]. On attend d’en savoir plus», poursuit-elle derrière sa caisse, visage fermé et air désolé.
En attendant, «la vie continue» pour les compagnons d’Emmaüs et toutes les personnes engagées au sein de la Fondation Abbé-Pierre à Thionville : «Ça ne remet rien en cause». Leur engagement pour les autres n’est pas ébranlé.
La bénévole ne souhaite pas s’épancher plus. De toute façon, une cliente arrive à la caisse pour finaliser ses achats.
Grégory Ingelbert
