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Accident du TGV Est, il y a un an : « Une scène jamais imaginée »


De gauche à droite : le commandant Sébastien Rossi, le colonel Jérôme Sotty et le lieutenant-colonel Madeleine Deloire. (photo DNA/Marc Rollmann)

Les trois pompiers qui ont successivement pris le commandement des opérations de secours le 14 novembre 2015, quand une rame d’essai du TGV a déraillé à Eckwersheim, reviennent sur cette expérience marquante.

Ce fut un week-end à part en Alsace. Le 14 novembre 2015, la région a dû faire face à la pire catastrophe de l’histoire du TGV, survenue à Eckwersheim au moment même où la France était encore sidérée par la pire attaque terroriste survenue sur son sol. Les drapeaux en berne, Strasbourg se demandait comment se déroulerait son marché de Noël.

Au centre opérationnel du Sdis 67 (service départemental d’incendie et de secours), le week-end avait commencé comme ailleurs, devant les postes de télévision, face aux attentats du Stade de France et du Bataclan. « Une demande d’envoi d’une colonne à Paris avait été faite, un moment », se souvient le colonel Jérôme Sotty, directeur adjoint du Sdis 67. Finalement, aucun départ pour la capitale ne sera nécessaire.

Le matin du samedi 14 novembre, c’est l’état d’urgence. Toutes les frontières sont bouclées et le directeur du Sdis participe à la préfecture à une réunion de crise. « Un certain nombre de cadres des pompiers ont spontanément signalé leur disponibilité en cas d’événement. Ils se sentaient très concernés », se rappelle encore Jérôme Sotty.

La possibilité d’un attentat est dans tous les esprits. Elle surgit inévitablement lorsqu’arrive l’appel 18 de 15h05, venant d’Eckwersheim. Il dure quatre minutes. Un groupe de jeunes gens, qui se trouve au centre équestre, explique qu’un TGV a « explosé » au niveau d’un pont. Ils précisent immédiatement qu’il s’agit d’une rame d’essai.

« Un crash, des bouts de métal partout »

Sébastien Rossi est alors le premier à prendre le commandement des opérations de secours. Il est à son domicile, en astreinte, quand on l’appelle. Une dizaine de véhicules sont immédiatement activés.

« Quand je pars sur place, je sais qu’il ne s’agit pas d’un TGV commercial avec mille personnes à bord », explique le commandant. « Je m’attends à dix ou quinze cheminots à l’intérieur. Pas à une cinquantaine de personnes. » Sur place, les pompiers sont confrontés à « une vision apocalyptique ». « Une scène de crash », résume Sébastien Rossi, « des bouts de métal partout… »

« Ma priorité, c’est de mettre en place un schéma d’organisation, de dénombrer les victimes et mettre en place leur prise en charge », expose le commandant. Cela passe notamment par la mise en place d’un point de rassemblement des blessés, sous le pont où s’est produit l’accident.

Le hasard a voulu qu’un exercice de grande ampleur, simulant de nombreuses victimes, ait été organisé quelques jours auparavant sur le Rhin. Et qu’une réunion au sujet de ce type d’intervention ait eu lieu la veille du déraillement. « Du coup, le schéma opérationnel, je l’ai en tête », poursuit Sébastien Rossi.

C’est le lieutenant-colonel Madeleine Deloire qui prend la suite du commandement, après une vingtaine de minutes. « On garde la priorité sur les victimes et on sectorise », résume-t-elle aujourd’hui. « On essaie de garder de la cohérence : mettre un nom pour chaque responsable de secteur et organiser l’arrière : évacuation et mise en place du poste de commandement. » Elle-même passera ensuite le relais au colonel Sotty, vers 16h.

« On a recherché le conducteur »

« C’était une scène que l’on n’avait jamais imaginée », constate celui-ci. Mais la situation présentait un avantage, outre celui d’être figée : « Le champ nous permettait de nous étaler », soutient Jérôme Sotty. « On savait que l’on pouvait tout poser à cet endroit. » Le colonel souligne en outre le travail des gendarmes et de tous les autres services, « qui se sont mis à la disposition du commandant des opérations de secours ».

La dernière des 52 victimes part pour l’hôpital vers 17h45. Les opérations de recherches, rendues difficiles par la difficulté à bien identifier tous les passagers du train, s’achèveront entre 2h et 3h du matin. Les dernières levées de doute seront réalisées le lendemain matin. « On a recherché le conducteur durant un moment alors qu’il était en garde à vue », se rappelle le colonel Sotty.

Un an après, les pompiers intervenus sur l’accident du TGV à Eckwersheim restent marqués par la plus grosse intervention de leur carrière. Plusieurs d’entre eux ont ressenti le besoin de s’exprimer auprès de la psychologue du Sdis.

Les officiers continuent aussi à travailler sur le retour d’expérience. « La prochaine fois, ce ne sera peut-être pas un accident », avance le colonel Sotty. « On se prépare. On ne se demande pas si ça arrivera, mais quand ça arrivera. »

Aurélien Poivret (Le Républicain lorrain)