Un ancien centre de vacances situé près de Gouvy, à proximité de la frontière belgo-luxembourgeoise, accueille désormais des réfugiés.
Des camionnettes de la Croix-Rouge sont rangées le long de la route au centre de Beho, juste devant la vieille bâtisse, l’ancien centre de vacances qui avait été un centre de réfugiés jusqu’en avril dernier. L’activité a repris depuis l’arrivée de 52 premiers nouveaux réfugiés, lundi dernier soir, et de 18 autres, mardi en soirée.
Quatre à cinq jeunes gens dissertent sur le pas de la porte. « The boss ? Go ahead and turn right », lance l’un d’eux dans un petit sourire quand on lui demande en anglais comment trouver Lionel Matz, le patron de ce centre d’hébergement de la Croix-Rouge.
À l’intérieur, c’est une vraie ruche et une tour de Babel en même temps. On y parle des langues et dialectes peu courants dans le coin. Les regards se font interrogateurs; on sent de la retenue mêlée de crainte. Cela ne les empêche pas de sourire et faire un signe pour saluer. Il y a des femmes. Elles détournent le regard et s’éclipsent.
Plus loin, on parle français : c’est la télé, installée au centre d’un petit local en rectangle. Des fauteuils en simili ont été disposés et des jeunes gens qui ne pigent pas un mot sont installés là discutant entre eux. On s’affaire dans un autre coin. Des gamins d’à peine plus de 20 ans passent avec une farde bleue sous le bras.
Dans un corridor annexe, un membre de l’équipe de la Croix-Rouge prend des clichés des réfugiés : on remplit les dossiers pour tenter de mettre tout en ordre le plus rapidement possible. Une vraie prouesse un peu plus de 12 heures après l’arrivée de ces gens.
Derrière une porte qui ne cesse de s’ouvrir et d’où sortent des responsables chargés de documents, Lionel Matz, le responsable du centre, le GSM collé à l’oreille bien rouge, fait les cent pas : « Installez-vous, je suis à vous tout de suite. »
Une de ses collaboratrices enchaîne : « Il n’a pas dormi beaucoup, c’est tout juste s’il sait encore quel jour on est. On a été sur des braises. Ça va un peu mieux. On attend les 18 autres personnes qui vont arriver. Ce sont 12 hommes seuls et une famille de 6 personnes avec des enfants. C’est bien les enfants; cela apaise les gens. Vous êtes de la presse ? Dites bien à vos lecteurs qu’ils ne doivent pas craindre ces personnes et que la meilleure façon de s’en convaincre, c’est de passer leur dire bonjour. Ça fera plaisir à nos hôtes et ça permettra de mieux comprendre ce que je vous dis. »
La situation est calme
Lionel Matz est sur le pont depuis une semaine : « Il a fallu remettre l’informatique et la téléphonie en route puisque tout était à l’arrêt depuis le mois d’avril. Pour ce qui est de la cuisine, il a fallu aussi voir avec l’opérateur privé qui assure le service pour tous les centres de la Croix-Rouge. Et puis, j’ai recontacté tous nos anciens collaborateurs qui ont été dispatchés dans les autres centres quand on a fermé en avril. Pour l’instant, on tourne avec une équipe réduite qu’on va garder toute la semaine. J’ai eu deux contacts pour des engagements et j’espère que cela pourra se finaliser et que nous serons bientôt au complet pour bien encadrer les 70 réfugiés. »
Une équipe complète pour faire tourner le centre, ce sont dix équivalents temps plein. Voici six ans, quand le centre de Beho a été ouvert en urgence, il a fallu aussi agir dans la précipitation. « Mais on gère. Ainsi, par exemple, la famille avec enfants qui nous arrive ce soir devra recevoir toutes les informations adéquates pour que les gosses soient scolarisés à Gouvy », note Lionel Matz.
Et puis, il y a le gros travail administratif, sans compter les soucis qui peuvent se poser à une structure d’hébergement comme celle-là. Un exemple ? La chaudière n’a pas pu redémarrer correctement et elle est en panne. Des chambres n’ont pas d’eau chaude et des gens ont froid. « Il va falloir régler cela rapidement , ajoute Lionel Matz qui est au four et au moulin. Mais qu’est-ce que la fatigue que nous éprouvons quand on voit ce que ces gens que nous accueillons ont vécu ?»
Des anciens ont offert leur aide bénévole. Le patron est touché : « Que voulez-vous ? Quand je reçois des demandeurs d’asile dans mon bureau et que je leur explique comment fonctionne le centre, ce qu’il faut faire et ne pas faire, ils me sourient gentiment. Point. Mais quand c’est quelqu’un qui fut l’un des leurs voici peu qui leur explique et de surcroît dans leur langue, le courant passe tout de suite. J’apprécie vraiment cette aide de nos trois anciens pensionnaires. Ils font un travail formidable. »
Le centre ne fait pas que des heureux et il a déjà subi des menaces et même essuyé des tirs de carabine à plomb par le passé. Jusqu’ici, tout est calme, rien à signaler.
Philippe Carozza (L’Avenir)