Maire de Fontoy durant presque cinq décennies, Henri Boguet a le sens du devoir. Mais aussi du sacrifice : à 82 ans, l’homme exerce toujours la profession de médecin généraliste. L’examen de cette longévité confinerait presque à l’irrationnel.
«Un âge certain, Monsieur.» Certainement un âge raisonnable pour raccrocher le stéthoscope. Henri Boguet ne s’y résout pas. Question de passion et de nécessité. À Fontoy, le généraliste a repositionné, en 2017, sa plaque sur le cabinet qu’il avait fondé. Il l’avait retirée pour laisser la place à un collectif de confrères. La relève paraissait assurée, «le groupe a finalement explosé. Des histoires d’hommes, de choix. Un médecin est parti au Luxembourg, un autre dans le sud de la France et le dernier s’est exilé dans le Massif central. Qu’est-ce que je devais faire ?»
L’ancien maire historique de cette commune de la vallée de la Fensch (1971-2020) a le sens des responsabilités. Et sans doute, aussi, un sens du sacrifice qui raisonne comme un anachronisme : «J’ai un problème avec la mentalité d’aujourd’hui. Les jeunes médecins souhaitent évoluer dans des structures artificielles pour faire des heures bien précises, sans déborder. Je ne conçois pas le métier de cette façon. Essayez donc de trouver un médecin qui consulte après 19h de nos jours…»
L’homme pose un regard désabusé sur la profession. Tout en ne comptant pas ses heures. Un paradoxe. «Je travaille du mardi au… samedi. Je m’octroie juste le lundi en semaine. Lorsque je suis entré en médecine, je savais à quoi je m’exposais.»
«Je fais de la médecine, pas du fric»
Dit comme ça, le doc pourrait passer pour un donneur de leçons. À l’âge (certain) de… 82 ans, difficile de lui en tenir rigueur. Comme on lui pardonnera son regard sur l’aide incitative mise en place, ces dernières années, par l’agglomération Portes de France-Thionville pour favoriser l’accueil de nouveaux médecins : «Un attrape-mouche, juge-t-il sévèrement. Je ne crois pas non plus aux bienfaits des maisons médicales. Objectivement, ça n’attire pas grand monde. Mon avis, c’est que notre profession libérale est en train de crever. La faute à un président qui ne connaît pas la médecine libérale, et a fortiori rurale.»
Inutile de préciser que le Fenschois soutient le mouvement de grève impulsé par ses confrères. Un soutien moral : «Je consulte en ce moment. Sinon, qui soignera les personnes âgées qui ne peuvent pas attendre ?» Et de clore son diagnostic en ces termes : «Revaloriser le tarif de la consultation est une nécessité. Même si moi, à mon âge, je fais de la médecine, pas du fric.» À 82 ans, on ne s’embarrasse plus avec le choix des maux.
il n’y a pas de limite d’âge pour drs en F. ?