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À 150 km/h sur les rails en direction de Luxembourg


Le conducteur d’un TER opère seul dans la cabine de tête. Photo RL/Pierre Heckler)

Que se passe-t-il à l’avant d’un TER ? Voyage avec un conducteur de la SNCF au départ de Thionville. Eh bien, c’est vraiment dynamique, très loin d’une simple promenade.

C’est la routine du frontalier, mais aussi un voyage bien connu de la plupart des habitants du Nord mosellan : prendre le Train Express Régional en direction de Luxembourg. Pratique (aux heures de pointes il y a un train toutes les dix minutes), rapide (une vingtaine de minutes selon la gare de départ), pas trop cher (une dizaine d’euros), le TER transporte plusieurs dizaines de milliers de voyageurs quotidiennement depuis les gares de Hayange, Thionville ou Hettange-Grande.

En tête de train, un homme. Totalement inconnu des passagers, isolé du reste de la rame par une porte de sécurité, ce conducteur sur lequel repose une responsabilité gigantesque est aussi le seul à profiter d’une vue panoramique sur le réseau ferré tout au long des 28 km de la ligne. Une distance relativement modeste qui ne manque toutefois pas d’intérêt. Malgré les apparences, le tronçon Thionville-Luxembourg exige une attention permanente et des compétences spécifiques.

Le voyageur est certainement à mille lieues de s’imaginer ce qu’il se passe dans la cabine de devant, mais à l’époque des drones et des monorails automatiques, la conduite d’un TER transfrontalier impose la présence d’un homme qu’aucune machine ne saurait remplacer.

Boîte noire, balises et systèmes de contrôle

Embarquement avec Sébastien Plumereau. Il est l’un des deux cents conducteurs de l’établissement régional de la SNCF. Issu d’une famille de cheminots, il a vingt années d’expérience au compteur. « Je n’ai jamais regretté », explique-t-il, au moment où le signal du contrôleur retentit.

Les portes donnant sur les quais se sont fermées. Maintenant, c’est à Sébastien Plumereau de jouer. Chacun de ses gestes est enregistré sur une sorte de boîte noire qui sera décryptée par des spécialistes. Des balises tracent sa vitesse et la position est relevée en temps réel par l’European train contact system. En cas de besoin, il est en liaison radio avec le contrôleur à bord et le poste de régulation régional. Mais durant tout le trajet, il est seul aux commandes.

La voie est au vert, le conducteur met doucement de la vitesse. 6 km/h pour sortir de la gare de Thionville. Puis ça grimpe, jusqu’à 150 km/h après Hettange-Grande. Le pied sur la pédale sans cesse sous pression, le levier de vitesse toujours dans sa main droite, il scrute les voies et les signaux. Dès qu’un feu vire à l’orange, il décélère. « C’est une ligne très chargée, explique-t-il. Il y a tellement d’imprévus… »

Absorber le retard d’un inévitable imprévu

200 trains empruntent cet axe chaque jour. Il concentre plus de la moitié du trafic régional. C’est l’une des lignes les plus fréquentées de France avec une difficulté supplémentaire : le passage du réseau français vers le réseau luxembourgeois qui demande une habilitation spéciale des conducteurs. À Zoufftgen, à quelques mètres de la stèle rappelant l’accident du 11 octobre 2006, le conducteur bascule d’un système à l’autre.

Collé à son itinéraire et aux indications horaires et vitesses, Sébastien Plumereau possède peu de marges. En cas de retard, il peut essayer de récupérer du temps, quelques minutes tout au plus. Mais un train venant d’Esch-sur-Alzette doit traverser les voies quelques kilomètres plus loin. Le TER qui arrive au même moment cède la priorité et se retrouve à l’arrêt complet.

Sébastien Plumereau avance sa main vers un écran de contrôle pour lancer un message d’information enregistré à destination des voyageurs. Puis il repart. L’incident tout à fait banal provoque un retard de 4 min. Le conducteur tente de limiter l’écart. Il absorbe 1 min, tout de même ! Aurait-il pu faire mieux ? Impossible.

Olivier Simon (Le Républicain Lorrain)