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Trafic de drogue à Esch : cinq ans de prison requis contre la cafetière


Quelque 130 membres des forces de l’ordre avaient participé à l'action «coup-de-poing» le 16 octobre 2018, avenue de la Gare à Esch. (Photo : archives lq/Isabella Finzi)

Pendant trois semaines, à l’automne 2018, la police avait observé le va-et-vient de dealers autour du café «Chez Nadia», avenue de la Gare à Esch. Une centaine de transactions (cocaïne, haschisch et marijuana) avaient pu être comptabilisées et quelque 70 clients identifiés avant son action «coup-de-poing». Pour le parquet, la gérante du café offrait une «vraie plate-forme» pour ce trafic de drogue. Jeudi, il a demandé sa condamnation et la fermeture définitive de son établissement.

C’est une véritable action «coup-de-poing» que la police grand-ducale avait menée le 16 octobre 2018 en fin d’après-midi dans le milieu des trafiquants de stupéfiants. Pas moins de 130 policiers avaient investi le quartier autour du café «Chez Nadia» et du café «Do Brasil», à Esch-sur-Alzette. Lors de cette descente spectaculaire, police judiciaire et unité spéciale avaient uni leurs forces et bouclé le quartier tandis qu’un hélicoptère tournait dans les airs. L’impressionnant dispositif n’était pas passé inaperçu. «La force publique a vraiment montré sa force», notera, d’ailleurs, le président de la 16e chambre correctionnelle qui planche sur cette affaire depuis lundi.

L’instruction visait 20 personnes. Au final, 15 personnes ont pu être inculpées. Un peu plus d’un an plus tard, 14 hommes d’origines nigériane et cap-verdienne, âgés de 18 à 34 ans, sont donc convoqués devant le tribunal pour trafic de stupéfiants. Ils sont neuf à avoir trouvé le chemin. Deux d’entre eux sont toujours en détention préventive. Sur le banc des prévenus, la gérante du café «Chez Nadia» (43 ans) les accompagne. Car pour le parquet, elle a facilité la mise en circulation du cannabis et de la cocaïne en mettant à disposition les locaux de son établissement. «Elle a offert avec son local et sa terrasse une vraie plate-forme pour le trafic de stupéfiants. C’était le lieu de rencontre pour les vendeurs et acheteurs», résumera le parquetier.

(Photo : archives lq/Julien Garroy)

«Mon café tourne grâce aux boissons», s’est défendu la gérante à la barre. (Photo : archives lq/Julien Garroy)

Or la quadragénaire conteste avoir été au courant de ce trafic : «Je ne peux contrôler s’il y a des ventes à l’extérieur du café. À l’intérieur, il y a peut-être eu des transactions que je n’ai pas vues.» À la barre, la quadragénaire s’est encore défendue : «Mon café tourne grâce aux boissons et à l’alcool. J’ai la cave pleine de vidanges vides chaque semaine.»

«Avec un bénéfice de 700 euros par année?», le tribunal a exprimé ses doutes. Se rapportant aux chiffres figurant dans les documents comptables versés pas son avocat Me Daniel Noël, le président constatera: «Vous vendiez sept fois plus de soft drinks que d’alcool.»

Confrontée à la déclaration d’un toxicomane affirmant que «tout le monde sait ce qui se passe dans son café. Si on ne faisait pas comme ça, elle aurait déjà mis depuis longtemps la clé sous le tapis», elle a répété : «Je ne vends pas de drogues. Ce sont des boissons.»

«On aurait dû tenir audience au café Nadia»

À entendre l’enquêteur, après les arrestations fin 2018, pas grand-chose n’a changé. D’autres procès-verbaux ont été dressés depuis aux alentours immédiats du café.

Pour la petite histoire, comme le remarquera jeudi après-midi le parquetier, l’un des prévenus convoqués au tribunal et absent au procès a fait l’objet d’un contrôle d’identité au café mardi vers 15 h, soit à l’heure de l’audience. «Ça montre que les gens continuent de le fréquenter.» Et le président d’ajouter : «On aurait dû tenir audience au café « Chez Nadia »!»

Le parquetier en est convaincu : «La cafetière ne pouvait ignorer ce qui se passait à l’intérieur et à l’extérieur de son café. En tant que fumeuse, elle s’installait de temps en temps en terrasse.» Elle serait plus qu’un simple spectateur et donc «complice» des vendeurs de drogue. Vraisemblablement, c’est «ce business qui lui permettait de survivre». «Comment le café peut-il survivre s’il accueille des revendeurs de drogue aux revenus limités et des toxicomanes pris à la gorge? Ce sont des personnes qui ne déboursent pas grand-chose…»

Dans son réquisitoire, il soulèvera encore le «sang-froid» et la «perfidie» de la prévenue. Deux articles de presse dans lesquels elle se plaint de la situation autour de son café ne lui ont pas échappé. «Elle-même et son café sont à la source de cette misère. Mais elle ne manque pas de culot pour se présenter comme victime dans cette affaire!»

Vu son absence de prise de conscience, il a requis cinq ans de prison et une amende contre la quadragénaire. Il demandera aussi la fermeture définitive du café et, enfin, une interdiction personnelle d’exploiter un établissement pour éviter le risque de récidive.

Entre 24 mois et 54 mois requis contre les dealers

Contre les 14 autres prévenus poursuivis pour avoir participé à ce trafic autour du café, il demande des peines allant de 24 mois à 48 mois de prison et une amende. Contre le «grand leader au niveau du nombre de ventes», le parquet demandera même 54 mois de prison. La police avait observé 51 transactions sur 10 jours, 41 clients avaient pu être identifiés. «C’est un dealer chevronné avec une certaine expérience. Il est prêt à avaler des boules quand il est interpellé.» Certains des prévenus contestent intégralement leur implication dans ce trafic. Comme la plupart ont déclaré habiter en France, à Metz et à Nancy, le parquet n’y croit pas. Car ils auraient bien été observés par la police. «Et ni Esch ni le quartier en cause ne valent un détour récurrent si on n’a aucun lien particulier. Il y a d’autres endroits plus attractifs…»

Prononcé le 23 janvier.

Fabienne Armborst