L’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard, jugé à Paris pour « harcèlement moral » dix ans après la vague de suicides dans l’entreprise, a rejeté mardi toute responsabilité dans cette crise, qu’il a qualifiée de « médiatique ».
« Que les transformations imposées à l’entreprise n’aient pas été agréables, c’est comme ça, je n’y peux rien. Si je n’avais pas été là, ça aurait été pareil peut-être même pire », a déclaré au tribunal Didier Lombard. « Le problème était de ramener la maison dans un état normal ». Patron de France Télécom de 2005 à 2010, il a insisté sur le contexte économique. L’entreprise était, selon lui, « en péril » en 2005, « à cause de son surendettement, de l’agressivité de la concurrence et des évolutions technologiques extrêmement rapides ».
Pour l’ex-PDG, âgé de 77 ans, il n’y a pas eu de « crise sociale » à France Télécom entre 2007 et 2010, la période au cœur du procès qui a débuté lundi. « Il y avait une difficulté : quelques milliers de salariés devaient retrouver un emploi différent. (…) Tout cela était stressant ». « Des choses ont été gonflées artificiellement à un moment », a-t-il ajouté, provoquant un brouhaha du côté des parties civiles.
« Un effet Werther »
En 2009, alors que France Télécom avait, selon lui, surmonté ses difficultés économiques, « les phénomènes médiatiques ont détruit le résultat social de la transformation ». A l’été 2009, il y a eu « une crise médiatique », a-t-il dit. « Nos collaborateurs ont été privés de leur succès. Les journaux disaient que leur entreprise était lamentable, ça a cassé le moral ».
L’ex-dirigeant considère qu’il y a eu « un effet Werther », selon lequel « si vous parlez des suicides, vous les multipliez ». Dans leur enquête, les juges d’instruction ont retenu le cas de 39 salariés du groupe : 19 se sont suicidés, 12 ont tenté de le faire et huit ont connu un épisode de dépression ou un arrêt de travail.
Dans une lettre qu’il a lue au tribunal, l’ancien PDG a exprimé aux victimes et à leurs familles sa « sincère et profonde tristesse de ce que cette situation ait pu involontairement contribuer à fragiliser certains d’entre eux au point qu’ils accomplissent un geste irrémédiable ». Cela « m’est insupportable ». Mais quand la partie civile lui a demandé s’il avait des regrets, il a préféré ne pas répondre.
« J’hallucine. Je suis écœuré », a réagi à la sortie de la salle d’audience Yves Minguy, un ex-salarié qui a traversé une grave dépression. « Donc le sauvetage d’une entreprise passe par des pertes de vies humaines et il n’y peut rien ? C’est sidérant. Il n’a pas changé ».
LQ/AFP