Un tiers d’indécis, un autre tiers qui a déjà voté par correspondance… Ce dimanche, la surprise sortira des urnes et le CSV est bien placé pour savoir que les sondages sont à prendre avec des pincettes.
Ne pas se fier aux sondages. C’est la grande leçon qu’a retenue le CSV aux dernières élections législatives où la tête de liste, Claude Wiseler, se voyait déjà Premier ministre et avait de grands projets pour le Luxembourg. La seule inconnue restait le partenaire de la future coalition à choisir entre le LSAP et le DP.
Le soir du 14 octobre 2018, la déception des chrétiens-sociaux fut immense, les mines fermées et la défaite dure à annoncer. Il ne faisait aucun doute que la coalition allait repartir à trois, comme cinq ans plus tôt, où le CSV n’avait même pas été consulté pour former un gouvernement. Les éléphants du DP, Henri Grethen en tête, n’avaient pas apprécié cette mise à l’écart d’office, décidée par Xavier Bettel, soutenu par ses plus fidèles lieutenants et encouragé par la base.
Les choses ont changé. Aujourd’hui, Xavier Bettel ne considère plus comme improbable une formation avec le CSV, dont il se dit le plus proche au niveau des programmes. Le Premier ministre sortant sait que les verts risquent d’y laisser des plumes et de ne plus être en mesure de poursuivre la coalition tricéphale aux commandes depuis dix ans. Le veut-il vraiment? Les socialistes, qui souhaitent faire passer les hauts salaires à la caisse, taxer davantage les entreprises, réintroduire l’impôt sur la fortune et diminuer le temps de travail, ne sont plus sur la même longueur d’onde. Les concessions seront plus aisément faisables avec le camp de Luc Frieden qu’avec celui de Paulette Lenert.
Quant à une coalition entre le CSV et le LSAP, qui reste dans le domaine du possible, la base pourra-t-elle accepter l’ancien ministre chrétien-social qui ne fait pas l’unanimité chez les socialistes? Paulette Lenert laisse les portes ouvertes, mais si le LSAP fait alliance avec le CSV, ce sera à la base de l’approuver ou non.
À ce stade, tout est encore ouvert. La campagne électorale et les débats organisés entre les différentes têtes de liste auront peut-être été utiles pour convaincre le tiers d’électeurs encore indécis. Les anciens fidèles du CSV risquent de se tourner vers l’ADR qui a récupéré au fil des ans des valeurs sociétales abandonnées par les chrétiens-sociaux, comme le mariage pour tous, pour ne citer que ce seul exemple.
Les personnels politiques de la nouvelle génération du CSV défendent également la transition énergétique à laquelle les anciens électeurs ont plus de mal à adhérer, leur reprochant d’avoir opéré un virage écolo dont ils ne veulent pas.
Avec ou sans les verts
Les verts, dont on annonce la dégringolade, pourraient très bien bénéficier d’un sursaut d’intérêt parce que leur tête de liste, Sam Tanson, a su se montrer à la hauteur des enjeux environnementaux et climatiques, un thème renvoyé au second rang des préoccupations et détrôné par la crise du logement.
Le LSAP est resté droit dans ses bottes. Le parti a également détaillé son programme sans faire dans l’évasif. Seule ombre au tableau, les révélations, par le magazine en ligne Reporter.lu, des notes de frais des ministres socialistes, adeptes des hôtels cinq étoiles et des bonnes bouteilles de vin, payés par les contribuables à qui ils demandent de faire des efforts.
Reste le DP avec son représentant le plus emblématique, Xavier Bettel. Il n’est pas un homme de dossiers, mais reste expert dans les relations publiques et, surtout, la personnalité politique la plus appréciée, la plus sympathique. Il est évident qu’il fera le plein de voix, mais il ne pourra gouverner seul.
Ce dimanche soir, les différentes constellations vont se dessiner. Les électeurs, selon l’étude Polindex menée par l’université du Luxembourg, laissent apparaître une nette préférence pour une coalition bicéphale. Les libéraux avec les chrétiens-sociaux ou les libéraux avec les socialistes. Le DP est quasiment certain d’être dans le futur gouvernement, reste à savoir si ce sera avec un seul partenaire ou avec deux.
Les verts regretteront de n’avoir pas pu disposer d’un mois de campagne supplémentaire pour développer les thèmes qui leur tiennent à cœur, le changement climatique et la transition énergétique en premier lieu, mais les dernières prestations de leur tête de liste, Sam Tanson, pourraient être payantes.
Surtout, le bilan de la coalition sortante, en dépit des crises qui ont entravé la réalisation de son programme, est jugé plutôt positif par les électeurs. Cela ne signifie pas que ces trois partis seront plébiscités comme ils le furent lors des deux derniers scrutins. Les électeurs veulent aussi du changement et ce sera à eux de dire, ce dimanche, dans quelle mesure il doit s’opérer.
Ce dimanche, le dépouillement promet d’être fastidieux avec douze partis en lice. Mais les regards sont portés sur les quatre grands.