Deux Français discutent. « Et toi Michel, tu vas voter dimanche ? » Plus qu’une réponse positive, la question est encore populaire devant les machines à café de l’Hexagone.
On aime encore bien parler politique, souvent pour râler, et de plus en plus pour aboutir au désastreux – et plus ou moins nuancé – « tous les mêmes ». Celui qui, pétri de frustration accumulée, fait bondir l’abstention. Les sondages l’annoncent à 54%. Plus d’un Français sur deux n’ira donc pas voter. Ce sera donc soit Michel, soit son collègue, mais pas les deux.
Les grandes leçons de morale démocratique n’y font plus rien. Gagnant plus de 20 points en 20 ans, cette bouderie des isoloirs s’est banalisée, s’auto-alimente, au point de s’assumer même chez ceux – il y en a – qui n’ont « pas fait gaffe qu’il y avait des élections », ou qui ne vont tout de même pas sacrifier leur premier week-end au soleil de l’année. Leur alibi – « Oh, de toute façon ça ne changerait rien » – est tout trouvé.
La défiance envers les élus s’est hypertrophiée. Pis, la conscience politique s’est étiolée. Michel et son ami pourraient disserter longtemps sur les raisons de ce drame démocratique, invoquant tantôt la médiocrité des élus, des institutions à bout de souffle, la vente du pouvoir à la finance et aux multinationales, ou encore l’individualisme rampant de nos sociétés. Mais à quoi bon ?
Dans une démocratie, voter est un devoir. Comme la Belgique, le Luxembourg a imposé le vote obligatoire et la participation y dépasse les 90%. L’idée fait son chemin en France, même si les lobbies de la sacro-sainte liberté individuelle freinent des quatre fers.
Les Verts ont annoncé une telle proposition de loi, précisant que les mécontents pourraient tout aussi bien s’exprimer par un vote blanc. Ou par le bulletin « le moins pire », quitte à créer ensuite son propre parti ! Une participation chétive fausse forcément les résultats. Toutes les dernières élections le montrent : l’abstention profite au score du FN, dont le discours radical mobilise davantage. Le vote obligatoire n’est pas un remède miracle anti-FN. Mais gageons qu’il contribuerait à l’empêcher de s’installer artificiellement comme le premier parti de France.
Ce ne serait déjà pas rien. On conseille à Michel d’y songer dès dimanche.
Sylvain Amiotte (samiotte@lequotidien.lu)