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Usine à gaz pour le SREL

Comment contrôler et maîtriser au mieux le travail d’un service de renseignement ? Cette question en forme de défi se pose à chaque démocratie. Deux ans après les scandales déclenchés par les dérives du SREL qui ont notablement secoué le Luxembourg et entraîné la chute du dernier gouvernement Juncker, les députés ont voté, jeudi, une nouvelle loi organisant le service. Au cœur de ce texte, la définition et le contrôle du travail des agents secrets.

Cette loi, dont on sent bien qu’elle tient autant à rassurer les citoyens sur la légalité de l’action du SREL qu’à mettre les politiques à l’abri de nouveaux éclats, porte en elle une hypocrisie intrinsèque, un service secret, qui agit par définition et souvent en marge, étant bien obligé par les missions qui lui sont confiées d’enfreindre parfois les lois. Mais les élus ont essayé de tirer au mieux les leçons des dérapages passés, de la surveillance de masse à l’espionnage du Premier ministre, en passant par un trafic de voitures sans aucun rapport avec une action clandestine au service de l’intérêt général.

Le chef du gouvernement, épaulé par deux ministres, définira à l’avenir les grandes lignes d’action du service. Un haut fonctionnaire du ministère d’État fera office de courroie de transmission entre SREL et Premier ministre. Le judiciaire veillera au respect de la vie privée. Enfin, pas en reste, les chefs de fraction du Parlement seront régulièrement informés des activités des agents.

Aucune démocratie n’a à ce jour trouvé la recette miracle permettant d’éviter les sorties de route, la rupture de confiance entre service et exécutif. Tout au plus, chaque nouveau scandale entraîne-t-il des ajustements qui valent jusqu’au prochain. Le mécano complexe adopté la semaine dernière risque vite de se transformer en usine à gaz, tant le risque est réel de voir les quatre niveaux de contrôle se neutraliser les uns les autres en tentant d’exercer sur le service un pouvoir qui dépasse leur périmètre, en conservant jalousement des informations, en envoyant des signaux contradictoires aux agents. Le résultat obtenu serait l’inverse de celui recherché : un service échappant plus que jamais à tout contrôle.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)