Le suffrage universel est à juste titre actuellement commémoré au Luxembourg, cent ans après son instauration. Expression de la souveraineté populaire en démocratie, son introduction, en 1919, est comparable à une énorme avancée sociétale, au niveau aussi bien de l’égalité des sexes que de l’égalité de traitement en abolissant les discriminations relatives à la fortune.
En effet, le suffrage universel est synonyme d’émancipation féminine mais aussi d’émancipation des classes sociales inférieures issues du «Luxembourg d’en bas», pour détourner une expression pour le moins cynique d’un certain Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français de feu Jacques Chirac, qui évoquait en 2002 «la France d’en bas» (l’expression est en fait due à l’origine à Honoré de Balzac).
Cent ans plus tard, le Grand-Duché célèbre donc le suffrage universel. Mais ce droit civique, aussi fondamental soit-il, apparaît finalement, dans la société d’aujourd’hui, comme restreint, voire partiel. Car il serait quelque peu malhonnête d’avoir la mémoire sélective et de jeter aux oubliettes le résultat du fameux référendum constitutionnel du 7 juin 2015, dans le cadre duquel la population était amenée à se pencher sur trois questions, dont celle-ci : «Approuvez-vous l’idée que les résidents non luxembourgeois aient le droit de s’inscrire de manière facultative sur les listes électorales en vue de participer comme électeurs aux élections pour la Chambre des députés, à la double condition particulière d’avoir résidé pendant au moins dix ans au Luxembourg et d’avoir préalablement participé aux élections communales ou européennes au Luxembourg ?» Pour rappel, la réponse fut «non» à hauteur de 78,02%.
Cent ans après l’instauration du suffrage universel, parmi les résidents étrangers, qui représentent 47,5% de la population de ce pays, certains, parfaitement intégrés dans la société et cela depuis des années, se posent une question, tout aussi «universelle» : «Le droit de vote ne serait-il finalement que partiel ?».
Claude Damiani