Le jeune collègue n’en revient toujours pas. Près de 18 mois après les faits, il est encore étonné de l’extrême diligence dont ont témoigné la police et la justice de Trèves à l’égard des journalistes afin de les orienter et les informer au mieux en mai 2015, lorsque avait été découvert le cadavre de Tanja Gräff, une étudiante allemande disparue huit ans plus tôt. Conférence de presse, communiqué, visite des lieux… toutes choses auxquelles les journalistes luxembourgeois ne sont pas habitués.
Il faut dire qu’en la matière le contraste est saisissant, tant la communication avec la police et la justice grand-ducales s’avère difficile. Parfois jusqu’à l’absurde, comme ce 12 décembre 2012 quand des gangsters avaient braqué une bijouterie de Luxembourg, retenant huit employés en otage. Alors que le procureur de Thionville avait tenu une conférence de presse – des frontaliers figuraient parmi les otages – et que l’AFP, dont la couverture est mondiale, avait diffusé l’information, le parquet de Luxembourg prétendait ne pas être informé du braquage. Bref, la planète entière était au courant de ce méfait au Luxembourg, sauf la police et la justice du pays. À ce niveau, cela s’appelle se payer la tête des gens.
Si ces deux faits divers n’ont pas prêté à conséquence, il peut en aller tout autrement de lourds dossiers politiques ou économiques, comme le montre le scandale LuxLeaks ou d’autres qui ont éclaté ces dernières années.
Ouvrir plus largement aux journalistes la liberté d’accéder à l’information publique, ce n’est pas faire un cadeau à une corporation. C’est honorer le droit de l’opinion publique à accéder à cette information, les médias jouant le rôle de passeurs. En démocratie, le droit à une information sûre et pluraliste n’est pas une option. C’est une nécessité impérieuse, soulignée dans la plupart des grands textes internationaux, à commencer par la Convention européenne des droits de l’homme, à laquelle adhère le Luxembourg.
Les lois qui existent aujourd’hui dans la plupart des démocraties sur le droit d’accès à l’information publique ne le limitent pas aux seuls journalistes. Il est étendu à l’ensemble des citoyens. Il en va ainsi du célèbre «Freedom of information act» adopté par les États-Unis en 1966 qui ouvre l’accès aux documents administratifs à tous les Américains. Évidemment, les États posent des restrictions plus ou moins légitimes à cette transparence, notamment dans le domaine de la défense.
La publication régulière de milliers de documents officiels par WikiLeaks, le site fondé par Julian Assange, interroge par ailleurs sur l’excès de transparence quand celle-ci est délivrée sans autre forme d’analyse ou de commentaire.
Faut-il tout révéler, y compris les secrets les mieux gardés? Cette question ne devrait pas se poser à la presse, dont le rôle est aussi d’être un contre-pouvoir aux forces politiques et économiques. Cela devient d’autant plus vrai quand ces forces mobilisent des bataillons de spécialistes de la communication dont le travail consiste à travestir la vérité, si ce n’est de la dissimuler.
L’importance d’un accès libre à l’information publique prend aussi un nouveau relief avec l’apparition soudaine, ces derniers mois, de la «post-vérité» privilégiant l’émotion aux faits objectifs. Les démagogues et nationalistes de tous poils en font leur miel, à l’image d’un Donald Trump qui s’en est servi comme tremplin pour accéder à la Maison-Blanche. Libérer l’accès à l’information publique, c’est aussi combattre l’inquiétante montée de ces démagogues.
Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)
Hé hé, heureusement qu’il y a encore des journalistes qui privilégient toujours les faits objectifs à l’émotion, hein Fabien ? 😉