Avec la déroute électorale du Parti socialiste (PS) français aux législatives, c’est une page de l’histoire de la gauche qui se tourne. Plus que la fin du PS de François Mitterrand issu du congrès d’Épinay en 1971, cette cuisante défaite entérine à l’échelle européenne l’échec de la «troisième voie» impulsée par le travailliste britannique Tony Blair à la fin des années 1990. Sous prétexte de «modernisation», d’«adaptation» à l’économie de marché, cette troisième voie a en réalité consisté en un virage à droite de partis historiquement ancrés à gauche.
En Allemagne, le SPD post-Gerhard Schröder doit désormais se contenter d’être le partenaire de coalition de la puissante CDU d’Angela Merkel. En Espagne, le PSOE est quasiment dépassé par Podemos. D’ailleurs, celui qui en a été investi nouveau secrétaire général dimanche, Pedro Sanchez, l’a été sur un programme nettement plus à gauche que le précédent. Ce dernier a déclaré à cette occasion : «Ces derniers temps, nous avions oublié qui nous étions.»
L’essence même d’un parti qui se dit «socialiste» est la recherche de la justice sociale et la lutte contre les inégalités. Ces combats ont été totalement oubliés par la gauche dite de gouvernement, qui s’est contentée de tenter de limiter les dégâts provoqués par la financiarisation et la contagion dans tous les domaines de la vie sociale de la logique marchande. Accepter le réel produit par les hommes plutôt que vouloir le transformer par et pour les hommes. Cela n’a pas marché, électoralement mais aussi dans la vraie vie : les riches sociétés occidentales sont de plus en plus inégalitaires.
La nouvelle Assemblée nationale française, si elle est plus jeune et plus paritaire, est toujours aussi peu représentative. Elle ne comporte, sur 577 élus, pas un seul ouvrier (22 % de la population active, 12 % des 18 ans et plus) et très peu de «petits» fonctionnaires et d’employés. Ce sont ces mêmes catégories de population auxquelles a tourné le dos le PS, qui avait jugé qu’elles ne portaient plus les valeurs de gauche, qu’elles n’étaient pas «progressistes» mais «réactionnaires». Quand un parti oublie son idéologie et son électorat, il meurt.
Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)