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Une journée ordinaire

Doigts de pied en éventail, brasses paresseuses, langueur et somnolence. Douce banalité d’une journée de vacances ordinaire sous le soleil brûlant de l’été méditerranéen.

Soudain le crépitement de l’arme automatique fauchant indifféremment jeunes et vieux, femmes et hommes, Européens et Tunisiens. Des dizaines de cadavres gisent dans le sable empourpré. Les chargeurs vidés vendredi à Sousse par un jeune paumé ont à nouveau meurtri la Tunisie. Punie pour son désir de lumière, de liberté et de tolérance, loin des obscures frustrations que veulent imposer des terroristes se figurant agir au nom de Dieu.

L’horreur de la mise en scène de l’assassinat d’un homme décapité en Isère nous stupéfait par le barbare et incompréhensible fanatisme de celui qui l’a commis. Six mois après les attaques de Paris, les attentats de vendredi nous frappent de plein fouet, car ils nous touchent directement sur nos territoires et visent nos semblables européens.

Pourtant, que ce soit au nom de l’État islamique, d’Al-Qaïda ou de toute autre franchise islamiste, le terrorisme a fait, vendredi, des dizaines d’autres morts, du Koweït à la Somalie, de la Syrie au Yémen. Actes sanglants et banalisés auxquels nous n’accordons habituellement qu’une distraite attention, mais qui dans le cas présent prennent un relief particulier.

Ils viennent nous rappeler que les guerres du Sahel, des Proche et Moyen-Orients sont aussi nos guerres, car quelle que soit la responsabilité que nous attribuons aux uns ou aux autres dans les causes de ces conflits, nous y sommes engagés. Avec nos soldats, nos agents secrets, nos moyens financiers ou nos armes. Autant de raisons qui devraient nous interdire l’indifférence dont, à des degrés divers, nous faisons preuve face au long chapelet des victimes des «fous de Dieu».

Ce jour de vacances ordinaire qui a brutalement basculé dans l’effroi vendredi en Tunisie n’est qu’un jour ordinaire pour les habitants des pays où se sont incrustées les métastases islamistes. Ils sont aussi ces migrants que nous voulons rejeter à la mer, oubliant trop facilement qu’eux aussi sont nos semblables.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)