À quoi bon destituer un président au moment où il quitte ses fonctions, s’est-on spontanément demandé quand les démocrates américains ont une nouvelle fois mis en accusation Donald Trump, quelques jours avant la fin de son mandat. L’on pouvait alors n’y voir rien d’autre qu’un retentissant coup d’éclat médiatique, tout au plus une habile manœuvre politique visant à lui barrer la route des élections de 2024. Ses partisans y voient, eux, la preuve ultime de l’acharnement orchestré contre leur «héros» déchu.
Ce second procès s’ouvre aujourd’hui – en l’absence de l’intéressé – et son issue ne fait déjà guère de mystère: le 45e président des États-Unis sera certainement acquitté, de l’avis général. Les cent élus du Sénat vont devoir juger de «l’incitation à l’insurrection» lors de l’assaut du Capitole, le 6 janvier dernier. La rhétorique trumpiste, certes agressive et guerrière, suffit-elle à caractériser l’intention de porter atteinte à l’intégrité de la nation jusqu’à mener ses supporters à piétiner le cœur de la démocratie américaine ? Vaste question, pour ne pas dire vaine.
Il existe pourtant une bonne raison de chercher à condamner Donald Trump. Une telle décision le priverait des avantages accordés à tout ex-président : sa rente annuelle de 221 000 dollars, son service de protection rapprochée, la mise à disposition d’un bureau et de personnel dédié… Mais de tous les privilèges abolis, il en est un qui porte l’enjeu d’une éventuelle destitution : l’accès aux briefings de sécurité intérieure, qui comportent des informations sensibles classées secret-défense. Tous les anciens locataires de la Maison-Blanche y ont droit. C’est précisément ce qui inquiète du côté du Renseignement. Que ces «bombes» mises entre les mains d’un homme aussi revanchard et imprévisible, humilié par l’élite et poussé à la retraite, se retrouvent à la portée d’individus peu scrupuleux, voire d’une organisation criminelle. Qu’elles servent des intérêts commerciaux, comme d’un moyen de pression. Les sénateurs devraient garder cette seule et juste raison en tête pour guider leur jugement. Sinon, effectivement, à quoi bon ?
Alexandra Parachini