C’est un week-end hallucinant auquel nous venons d’assister. La ministre turque de la Famille a été expulsée manu militari samedi des Pays-Bas – une action incroyablement violente d’un point de vue diplomatique – tandis que le président Erdogan, après ses diatribes contre Berlin, usait une nouvelle fois de la comparaison avec la période nazie pour critiquer les autorités néerlandaises, les menaçant de leur faire «payer le prix» de leurs agissements. Depuis Metz hier, le ministre turc des Affaires étrangères qualifiait lui La Haye de «capitale du fascisme» (on notera sur ce dernier point que Paris a donc accepté qu’un ministre étranger vienne cracher à la figure d’un pays ami sur son territoire).
Dans les deux camps, les arrière-pensées électoralistes sont évidentes. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, veut afficher sa fermeté alors que le député d’extrême droite Geert Wilders le talonne dans les sondages avant les législatives de mercredi. Erdogan, lui, joue sur la fibre nationaliste pour obtenir les pleins pouvoirs lors du référendum du 16 avril et souhaite se présenter en pauvre petite victime face à la méchante et raciste Europe.
Mais en dehors de ces considérations, ne pas accepter que les conflits sanglants de la société turque soient exportés en Europe semble assez légitime de la part d’États souverains. C’est ainsi que l’Allemagne et l’Autriche souhaitent interdire les meetings électoraux turcs sur leur sol.
Ironie de l’histoire, Erdogan voudrait lui profiter de la liberté d’expression et de réunion qui prévaut dans nos démocraties pour asséner le dernier coup de grâce à la démocratie turque, alors qu’il n’a de cesse de jeter en prison toute voix discordante. Lui qui crie à l’islamophobie est, dans les faits, le meilleur allié des formations d’extrême droite en Europe.
Mais faut-il rappeler au sultan d’Ankara que même pour engranger des voix, toute stupidité n’est pas bonne à dire. Comparer les Pays-Bas et l’Allemagne actuels au régime nazi est la preuve d’une ignorance crasse et l’on peut légitimement se demander si Erdogan a déjà ouvert un livre d’histoire, à l’exception de ceux faisant l’apologie de l’Empire ottoman.
Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)