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Un vieux stylo

« Il y a des signatures qui durent », a glissé Jean-Claude Juncker samedi, à Rome. Dans sa main, le même stylo que tenait Joseph Bech, Premier ministre luxembourgeois, lors de sa signature du traité de Rome, il y a 60 ans.

Il y a des signatures qui durent. Et des espoirs qui se fanent. Que penserait Bech de l’aveu de «lassitude» de son compatriote, qui à mi-parcours renonce à briguer un second mandat à la Commission européenne ? Serait-il déçu que ce Luxembourgeois parvenu au sommet de l’Europe, conscient que sa Commission serait celle de la «dernière chance», ait fait un constat – peut-être lucide mais lugubre – d’échec en février dernier, en prophétisant que «les Britanniques vont réussir, sans trop de difficultés, à diviser les 27 autres pays de l’UE» ?

Vaines conjectures, évidemment. Mais en réécoutant grâce à la magie d’internet la voix grésillante de Joseph Bech, lors de son discours en 1957, on ne peut que regretter la «foi» qu’exprimait cet Européen : «Je pense que ce sera surtout dans la collaboration féconde de chaque jour, au sein du marché commun, dans le rythme de leur besogne matérielle, que nos peuples se sentiront le mieux, augmenteront leur solidarité et apprendront à se débarrasser de la pensée étroitement nationale», déclarait-il alors.

Vivre l’Europe au quotidien a, en effet, permis à beaucoup – frontaliers, touristes, entreprises – de réaliser que certaines frontières idéologiques cachaient une belle destinée commune. Mais construire des ponts entre les peuples ne pouvait évidemment pas suffire à garantir le projet européen. Bech ajoutait donc : «Il est évident que l’ajustement de nos économies nationales ne peut s’effectuer sans léser maints intérêts particuliers et sans se heurter à des égoïsmes nationaux. Nos parlements ont le devoir de les sacrifier à l’intérêt général. Car l’état de l’Europe n’est plus de ceux qui se soignent comme un rhume par des tisanes. Il est assez grave pour nécessiter une intervention chirurgicale qui n’ira pas sans souffrances.»

Eh oui, ce diagnostic a soixante ans. Mais, concluait Bech, «Rome ne s’est pas construite en un jour…»

Romain Van Dyck

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