Petit coup de mou, grosse déprime ou crise de foi? En annonçant samedi dernier qu’il ne se représentera pas à un second mandat à la tête de la Commission européenne en 2019, Jean-Claude Juncker a, venant de sa part, affiché un pessimisme sans précédent pour la construction européenne. Oui, il a encore envie d’y croire à l’Europe, a-t-il dit sur les ondes de Deutschlandfunk. Mais non, l’Europe telle qu’on l’a connue ne survivra pas au Brexit, a-t-il ajouté, expliquant que ce sera un jeu d’enfant pour le Royaume-Uni de diviser les Européens avant que d’autres pays comme la France ou les Pays-Bas ne quittent le club.
Un président devrait-il dire ça? Lui dont on attend un volontarisme sans faille, dont on escompte qu’il fixe le cap, il s’apitoie sur son job qui n’est pas un «travail d’avenir». Son ambition était de faire remonter la cote de l’UE auprès des citoyens. Il est vrai que c’est raté. Comme il est tout aussi vrai qu’il s’est trouvé aux manettes de l’exécutif européen à un moment déjà critique, marqué par la crise économique, la crise des réfugiés et le terrorisme. Jean-Claude Juncker pointe facilement l’incapacité des 27 à l’unité. Mais ne voit pas en quoi sa propre vision de l’UE est déconnectée des aspirations au changement qui s’expriment de plus en plus fortement, parfois de la pire des façons, comme en Hongrie ou au Royaume-Uni. Lorsqu’il tarde à condamner la reconversion de son prédécesseur José Manuel Barroso chez Goldman Sachs, c’est nul autre que lui qui fait plonger la cote de l’Europe. Lorsqu’il déclare mercredi que «les échanges intenses sur le CETA témoignent du caractère démocratique de la prise de décision en Europe», il fait preuve d’une langue de bois dont il ne voit pas pourquoi elle produit l’effet inverse à celui attendu.
Qu’il soit fatigué, déprimé ou simplement dépassé par le mouvement du monde, au moins a-t-il le mérite de comprendre qu’en 2019 au plus tard, il devra raccrocher les gants. Car quelle que soit l’issue des négociations sur le Brexit ou de tout autre évènement à venir, sa présidence sera le symbole du pire échec que l’Europe ait connu depuis sa fondation.
Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)